Lettre de la Présidente de l’Union-IHEDN

Paris, le 27 juillet 2024

Catherine Sarlandie de La Robertie
Présidente de l’union des associations d’auditeurs de l’Institut
des hautes études de défense nationale (Union-IHEDN)

Chers Camarades, Mes chers Amis,

Tout d’abord, je voudrais vous dire combien je suis honorée et reconnaissante de la confiance que vous m’avez accordée, au travers du conseil d’administration, en m’élisant présidente de l’Union-IHEDN. Pour la plupart, nous nous connaissons depuis fort longtemps. En effet, il y a maintenant plus d’un quart de siècle que j’œuvre activement au sein de l’association régionale de Haute-Bretagne et parmi vous dans les instances de l’Union comme vice-présidente de la Commission des Mérites ou bien encore comme présidente du groupe des études et du Forum des auditeurs de l’Union-IHEDN. Pour tous, je suis sûre que nos futures activités au bénéfice de notre communauté renforceront notre appréciation mutuelle.

Cette élection m’honore et m’oblige et je conçois la fonction qui est désormais la mienne, avant tout comme un Service orientant mon action dans quatre directions principales :

  • Le renforcement de la cohésion de notre communauté ;
  • La consolidation de nos relations avec les autorités administratives, les institutions et les acteurs du monde de la Défense, mais aussi avec ceux de la Souveraineté et de la Résilience ;
  • L’expansion de notre rayonnement et l’accroissement de nos actions au profit de la jeunesse et du monde éducatif ;
  • Le soutien à la démarche d’amélioration continue de la qualité de notre fonctionnement, des services que l’Union doit rendre à ses membres et de ce que nous sommes conduits à produire collectivement (études, formations, informations, communications…).

Ces quatre objectifs, nous les atteindrons ensemble, avec détermination, dans l’esprit d’écoute bienveillante, de collégialité et de co-construction qui m’a toujours animée et dont je ne doute pas un instant qu’il est également le vôtre, toujours au profit du rayonnement de notre communauté IHEDN.

Enfin, dans cette période d’incertitude et de tension de la société française, notre mission collective de promotion de l’esprit de défense et de citoyenneté, des valeurs de la République, est plus précieuse que jamais. Là aussi je compte sur votre engagement pour que nous soyons collectivement des facteurs de stabilité, des garants de souveraineté et des ferments de résilience.

Catherine Sarlandie de La Robertie
Présidente de l’Union-IHEDN

Union-IHEDN – Rapport annuel 2023

L’esprit de défense ne s’infuse pas, il se diffuse.

L’Union-IHEDN est le pôle fédérateur des associations d’auditeurs de l’Institut des hautes études de défense nationale.

Fondée en 1975, l’Union-IHEDN (association loi 1901) regroupe et fédère, aujourd’hui, l’ensemble des 38 associations d’auditeurs de l’IHEDN, classées en trois grandes catégories : Les associations nationales et thématiques (2 nationales : l’AA-IHEDN, 3AED-IHEDN, 1 thématique : IE-IHEDN), les 33 associations régionales régionales métropolitaines et ultramarines et les associations internationales (Europe-IHEDN, Monde-IHEDN).

L’Union-IHEDN a pour vocation de créer des synergies, renforcer la communauté des auditeurs, susciter, développer et coordonner les activités menées par les associations afin de sensibiliser le plus grand nombre aux questions stratégiques et contribuer au rayonnement de l’esprit de défense. Le maillage que les associations représentent sur le territoire national contribue au renforcement de la cohésion nationale.

Au sein de chacune des associations environ 5400 membres cotisants, décideurs, hauts responsables des armées, de la fonction publique et du secteur privé ainsi que jeunes actifs, poursuivent la réflexion qu’ils ont commencée lors de leur formation durant les sessions suivies à l’IHEDN.

Ils s’investissent dans de nombreux domaines, par exemple au service des enseignants et des élèves de l’Éducation nationale ainsi que des élèves de l’enseignement agricole et des étudiants de l’enseignement supérieur dans le cadre des trinômes académiques.

D’autres sont membres des différentes réserves ou encore remplissent les fonctions de conseillers de défense. Dans ce cadre, ils sensibilisent les élus aux questions de défense, apportent leur expertise

dans différents domaines, y compris l’intelligence économique, et mettent leurs compétences à disposition des préfets et des élus, en métropole ainsi que dans les DROM-COM.

En outre, l’Union-IHEDN publie trimestriellement la revue Défense.

Chaque année elle organise un Forum national des études qui permet aux auditeurs de présenter la synthèse des travaux menés dans le cadre d’un thème annuel de réflexion. Sur son site internet, elle communique sur les activités à venir ou réalisées. La revue de presse « Défense » hebdomadaire est également accessible en ligne.

Rallye citoyen des collégiens des Deux-Sèvres

Les averses n’ont pas douché l’enthousiasme des 13 équipes venues ce mercredi 22 mai 2024 sur le site du Pré Le Roy à Niort pour participer au 15è rallye citoyen des collégiens. Venues d’Airvault, Parthenay, Secondigny, Chef Boutonne, Saint Maixent l’Ecole, Lezay, Mauzé sur le Mignon, Coulonges sur l’Autize, et plusieurs de Niort, les équipes mixtes de 6 collégiens de 3è, accompagnées chacune par un jeune sergent sortant de formation, ont enchainé le matin et l’après-midi 14 ateliers. Tenus par des secouristes, des pompiers, des policiers, des gendarmes, la Prévention Maif, des réservistes, le comité départemental olympique, l’office des anciens combattants… ils mobilisaient des connaissances, du bon sens, des qualités sportives d’adresse et d’endurance, et l’esprit d’équipe qui a souvent contribué à faire la différence.

Ce rallye est porté par les réservistes citoyens des Deux-Sèvres et la délégation militaire départementale, avec l’appui de l’ENSOA, dont le général Didier était présent. Outre le maire de Niort, Jérôme Baloge, venu saluer les participants dès l’ouverture, ont également manifesté leur soutien le directeur de cabinet de la Préfète, Benoit Ready, la présidente du département, Coralie Desnoues, le secrétaire général de la DSDEN, Guillaume Stoll, les présidents des ordres de la Légion d’honneur, du Mérite et des Palmes académiques, l’association régionale de l’IHEDN…

C’est finalement l’équipe du collège Pierre et Marie Curie de Niort qui a remporté ce rallye, devant les équipes du collège du Marchioux de Parthenay, de Jean Monnet de Lezay, de François Truffault de Chef Boutonne et de Louis Merle de Secondigny. Toutes les équipes se sont vues remettre des récompenses diverses collectées par les organisateurs.

15e Rallye citoyen des collégiens par la ville de Niort

Dissuasion nucléaire française en 2024

Certitudes et questionnements.

Général (2S) Jean-Claude Rodriguez

La dissuasion nucléaire constitue aujourd’hui l’un des leviers d’action des grandes puissances. Elle offre à un État cette liberté fondamentale de pouvoir agir seul sur les évènements majeurs qui peuvent compromettre sa Survie. 

Elle est au cœur de notre politique de Défense depuis plus de 66 ans.

L’année 2024 est marquée par une guerre de haute intensité en Europe avec le conflit Russo-ukrainien, une crise grave au proche orient pouvant déboucher sur une conflagration entre Israël et  l’Iran et des tensions en mer de Chine entre les États-Unis et la Chine .

Au vu de ces évènements préoccupants, il est légitime de se s’interroger sur la qualité de notre stratégie de Défense centrée sur la Dissuasion nucléaire.

Dissuader, c’est faire renoncer quelqu’un à une action. Il y a toujours dans le concept de dissuasion une cible, celui qu’on veut dissuader, et un objectif, l’intention qu’on souhaite qu’il abandonne. C’est une dialectique d’influence.

Si l’on veut dissuader quelqu’un qui nous veut du mal, il faut le convaincre que son projet est vain, car il va subir plus de pertes qu’il ne va obtenir de gains. 

Il faut le menacer d’une rétorsion dont le coût sera pour lui certain et insupportable. 

La dissuasion au sens militaire du terme prend la forme d’une menace de l’emploi sans retenue de la force armée, de l’utilisation des moyens militaires les plus dévastateurs.

On peut être dissuasif avec des moyens conventionnels, tout dépend de la balance des forces en présence. Mais la puissance de l’arme nucléaire et ses capacités de destruction sont tellement démesurées qu’elles surpassent tout moyen conventionnel. Le risque pour un agresseur d’être l’objet d’une riposte nucléaire est une perte exorbitante, irrémédiable. Dès lors un État, même faible, mais détenteur de l’arme nucléaire, peut en imposer à une plus grande puissance. D’où l’intérêt majeur de disposer de cet atout.

Mais la détention d’armes nucléaires ne suffit pas. La stratégie de dissuasion nucléaire doit respecter quelques principes.

Elle s’exerce dans le cas d’une menace majeure des intérêts vitaux de l’État visé, quelle qu’en soit la nature. Le périmètre du « vital » n’est pas défini. 

Il reste à l’appréciation du chef de l’État de manière à placer le candidat agresseur dans l’incertitude des limites à ne pas franchir.

La dissuasion nucléaire exige la création et le maintien de capacités techniques et opérationnelles. 

Pour une puissance moyenne comme la France il est inutile et ruineux de se lancer dans une course aux armements, il faut et il suffit :

  • de disposer d’une force nucléaire invulnérable (discrétion, réactivité, agilité) avec au moins deux composantes de natures différentes capables de riposter indépendamment ou en coordination en cas d’agression ;
  • d’être en mesure de franchir les défenses adverses quels que soient leurs progrès. (variété des trajectoires, hypervélocité, manœuvrabilité, furtivité, leurrage, saturation par le nombre) ;
  • de démontrer régulièrement la réalité opérationnelle des forces nucléaires et de leurs capacités de déploiement et de frappe (essais, tirs d’évaluation, exercices du type Poker et Banco pour les FAS)Nota. L’abandon des essais nucléaires en Polynésie française depuis 1996 est désormais compensé par un programme de simulation validé par des tests en laboratoire sur le territoire national ;
  • d’assurer la permanence de la menace d’emploi. Elle est assurée par le chef de l’État disposant 24h/24 des codes et des moyens de transmission aux forces stratégiques aériennes en veille et aux sous-marins en patrouille. La robustesse des communications est vitale ainsi que les règles de dévolution.

La France a toujours préservé l’avenir en maintenant un effort en cohérence avec l’évolution du contexte géostratégique selon le principe de la « juste suffisance ».

Depuis Charles de Gaulle, chaque Président de la République a mis en exergue la nécessaire défense des « intérêts vitaux » nationaux et veillé à adapter le concept dissuasif et les moyens.

À l’issue de la guerre froide, sous le mandat de Jacques Chirac, élu en 1995, la France a notamment décidé, de faire évoluer son outil de dissuasion de telle sorte qu’il constitue une menace crédible contre tout État hostile doté d’armes de destruction massive nucléaires ou non.

Il s’agit :

  • d’une part « de garantir que la survie de la France ne sera jamais mise en cause par une puissance militaire majeure» ;
  • d’autre part « de faire face aux menaces que pourraient faire peser sur nos intérêts vitaux des puissances régionales dotées d’armes de destruction massive. »

La France doit pouvoir priver un ennemi de tout ou partie de ses centres de pouvoir, qu’ils soient politiques, militaires ou économiques. 

Ce concept et l’architecture des forces nucléaires françaises qui en résulte sont confirmés par Nicolas Sarkozy (Livre Blanc 2008) puis François Hollande (Livre Blanc 2013) :

  • la première composante est océanique. Avec les SNLE de nouvelle génération et des missiles balistiques plus puissants, la France accroît très sensiblement l'”allonge” de sa dissuasion qui devient tous azimuts ;
  • la seconde composante, aéroportée (Mirage 2000N, puis Rafale,), est équipée d’un missile Air-Sol très rapide et pouvant voler à basse altitude. Elle peut être mise en œuvre depuis des bases aériennes et du porte-avions Charles-de-Gaulle. 

Elles sont complémentaires.

Au fond des mers, discret et indétectable, le SNLE est en effet d’abord l’arme de la frappe en second. C’est la dilution dans les océans et la portée des vecteurs qui permet de garantir l’invulnérabilité et la menace d’une frappe massive sur un adversaire potentiel ( une salve de SNLE français c’est près de 100 têtes nucléaires indépendantes). Le système de ciblage est suffisamment souple et performant pour effectuer aussi des tirs sélectifs et précis.

La composante aérienne offre une capacité de gesticulation discrète ou au contraire ostentatoire grâce à une grande souplesse de déploiement lors des phases de montée en crise. Enfin elle peut être mise en vol et rappelée selon de nombreux scenarios qui complexifient pour l’adversaire la conduite à tenir. Son allonge est sans cesse améliorée par le ravitaillement en vol et par la portée et la capacité de  pénétration des vecteurs.

Dans un contexte international très tendu le Président Macron a, quant à lui, fait adopter la loi de programmation militaire 2024-2030. Elle prévoit 413 milliards d’euros de dépenses sur sept ans. Le budget des armées passera de 32,2 MDS en 2017 à 67,4 MDS d’euros en 2030. Soit un quasi doublement.

La période considérée est présentée comme une époque charnière pour la Dissuasion nucléaire avec l’entrée en service de l’ASMPA-R, la préparation de l’ASN4G, les travaux sur le successeur du Rafale (SCAF), et des développements importants concernant le sous-marin de troisième génération permettant son lancement entre 2030 et 2040 .

En plus de la part annuelle « dissuasion nucléaire » aux alentours de 6 MDS d’euros par an, environ 10 MDS d’euros sur la période, concerneront les innovations pour contrer les évolutions technologiques qui pourraient grever l’efficacité opérationnelle voire la survie de nos forces nucléaires. 

Il s’agit notamment : d’intelligence artificielle, d’hypervélocité, de moyens de guerre électronique, de communications, de discrétion et de furtivité. 

Il faut rajouter sur la période également 6 MDS d’euros consacrés au domaine spatial qui concerne surtout l’acquisition du renseignement et la préservation de nos moyens spatiaux essentiels pour l’analyse de la menace et le ciblage. 

C’est enfin et surtout la poursuite du programme : « Simulation » destiné à permettre le maintien en condition et la sureté des armes nucléaires et leur éventuel remplacement depuis que la France a signé le traité d’interdiction complète des essais nucléaires TICE en 1996.

L’aboutissement de ces évolutions c’est l’existence pérenne pour au moins encore 30 ans de deux composantes complémentaires l’une aérienne démonstrative, l’autre sous-marine furtive et discrète, avec un nombre de têtes nucléaires limité à 300.

Alors que nous entrons à l’ère du troisième âge nucléaire et qu’après 25 années de réduction du format des armées, la France voit son avantage technologique conventionnel s’éroder rapidement, la Dissuasion nucléaire reste pour la France un atout majeur pour la crédibilité  de son indépendance et de sa souveraineté défensive.

Ce nouvel âge nucléaire est principalement marqué par l’irruption de la Chine dans la bataille pour accéder au leadership mondial avec la forte croissance de son arsenal nucléaire(actuellement estimé à 1500 têtes nucléaires en 2035). 

Ce troisième âge est également marqué par la multiplication de puissances régionales révisionnistes et proliférantes comme la Corée du nord et l’Iran. 

Se profilent déjà d’autres États comme l’Arabie Saoudite et la Turquie qui s’ajouteront à l’Inde et au Pakistan. 

Le comportement déstabilisant récent de pays dotés est une autre caractéristique de cette période qui débute. La dissuasion agressive est ainsi un dévoiement de la théorie de la Dissuasion. Alors que cette dernière avait au début de l’histoire pour objectif d’inhiber les velléités d’éventuels agresseurs et de préserver la paix nous avons sous les yeux deux exemples de rupture de l’équilibre mondial sous couverture nucléaire.

Dans le conflit ukrainien l’intégration de la Crimée et des républiques du Donbass sous drapeau russe s’est produite après une récupération par des forces nationalistes locales soutenues par la Russie et des referendums contestés. 

Étant considérés par Poutine comme faisant désormais partie du territoire russe, ces prises de guerre sont associées aux intérêts vitaux de la Russie et placées sous son parapluie nucléaire. L’annexion a donc été réalisée sans véritable opposition des occidentaux et de l’OTAN bridés par l’éventualité d’une escalade nucléaire. 

Le même mécanisme est mis en œuvre par la Chine dans son environnement immédiat qu’elle met sous son contrôle en installant des infrastructures civiles et militaires sur des ilots inhabités de la mer de Chine. Cette territorialisation permet la revendication de la souveraineté sur les eaux territoriales contiguës et in fine de considérer cette zone maritime comme une mer intérieure chinoise . 

Quel État de la région ne disposant pas de moyens nucléaires dispose de  la capacité de contester cette appropriation ?

L’arme nucléaire reste donc en ce 21e siècle l’Alpha et l’Omega des relations internationales et des rapports de puissance.  

Si la Dissuasion nucléaire française est l’assurance survie de la nation, la sécurité de la France dépend aussi de celle de ses voisins.

Or, la sécurité des autres pays européens repose essentiellement aujourd’hui sur l’assurance que procurent l’Alliance Atlantique et la puissance des États-Unis.

Cette garantie est remise en cause par les déclarations du candidat Donald Trump qui menace de se retirer de l’OTAN si les pays européens ne participent pas plus à son financement. Ces menaces ne sont pas à prendre à la légère car elles font suite à la crise survenue en 2018 au sommet de l’OTAN lorsque Donald Trump, Président des États-Unis en activité était à deux doigts de claquer la porte. Cet épisode est rapporté en détail par son conseiller en sécurité nationale de l’époque, John Bolton.

Si les États-Unis quittent l’OTAN ou même s’ils restent mais n’appliquent pas les termes du traité et notamment de l’article 5, le parapluie nucléaire des États-Unis ne protégera plus les pays européens ce qui créera une situation nouvelle en ce qui concerne la sécurité stratégique du vieux continent. 

Certains géopoliticiens imaginent par exemple que Poutine aurait l’ambition de recréer l’empire russe. Les pays baltes, en premier, seraient en danger. 

Une ère de déstabilisations multiples pourrait alors s’ouvrir.

Quel système de sécurité faudrait-il créer en Europe en dehors des États-Unis ?

Quelle place la France, seule puissance nucléaire du continent devrait-elle avoir ? 

Ce débat a été relancé par le Président, Emmanuel Macron. 

Dans son discours sur la « Stratégie de de Défense et de Dissuasion » prononcé le 7 février 2020 à l’École Militaire il a rappelé, comme d’ailleurs l’avaient fait ses prédécesseurs (Mitterrand en 1994, Chirac en 1996 et 2006, Sarkozy en 2008, Hollande en 2015) que les intérêts de la France et ceux de nos partenaires européens sont de plus en plus imbriqués au fur et à mesure de la construction européenne et de la multiplication des traités. Il leur a également proposé de participer à un dialogue stratégique avec la France pour évoquer le rôle de la Dissuasion française dans le contexte européen

Plus tard, en 2023, lors de la conférence de Munich sur la sécurité le chef de l’État a réitéré son offre « d’un dialogue sur la dissuasion nucléaire française et la conception qu’a la France de la dimension européenne de ses intérêts vitaux ». 

Au cours de sa visite d’État en Suède fin janvier 2024, dans un discours à l’université de défense suédoise, le Président de la République a réaffirmé : « une partie de nos intérêts vitaux ont une dimension européenne » ce qui, je cite encore « confère une responsabilité spéciale à la France ». 

Enfin ,dans un entretien accordé vendredi 26 avril 2024 à de jeunes Européens et publié dans la presse régionale, Emmanuel Macron est revenu sur ce thème récurrent et extrêmement sensible de la sécurité européenne : 

« Je suis pour ouvrir ce débat qui doit donc inclure la défense antimissile, les tirs d’armes de longue portée, l’arme nucléaire pour ceux qui l’ont ou qui disposent sur leur sol de l’arme nucléaire américaine. Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible », a-t-il déclaré, ajoutant que la France garderait « sa spécificité mais est prête à contribuer davantage à la défense du sol européen ».

Mais ces ouvertures de la France sur l’Europe n’ont pas suscité l’engouement de ses partenaires européens qui préfèrent s’en remettre à l’allié américain sans vraiment être sûr que ce dernier ira jusqu’au bout de son engagement si le risque est trop important pour lui.

En Conclusion, nous sommes devant un changement potentiel de paradigme. 

Quelle réalité peut-on donner à cette vision où, en fait, la France remplacerait les États-Unis comme puissance nucléaire exerçant une dissuasion nucléaire étendue au profit des états de l’Union européenne ? 

Dans quelles conditions la clause de défense mutuelle inscrite en 2008 dans le traité de Lisbonne qui stipule à l’article 42 paragraphe 7 que les pays de l’Union européenne sont obligés d’aider un État membre si celui-ci est l’objet « d’une agression armée sur son territoire » impliquerait nos forces nucléaires ? 

Dans quelles conditions et par qui serait conduite la manœuvre dissuasive. 

Qui appuierait sur le bouton ?

Le règlement de ces questions n’est pas pour demain compte tenu de l’absence de consensus ni de volonté européenne.

La Dissuasion nucléaire française constituera donc encore longtemps le cœur de notre Défense Nationale. Son européanisation ne parait pas envisageable à court ni moyen terme. 

Mais peut-être faudrait-il s’interroger sérieusement sur l’après 2040.

Général (2S) Jean-Claude RodriguezRochefort, le 21 mai 2024

LE RALLYE CITOYEN 2024 EN CHARENTE

Hooah !

Alors que nous nous apprêtons à commémorer le 80e anniversaire du D-Day et de la Libération (été 1944-été 2024), c’est avec le cri de guerre de l’US Army que Matis, Agathe, Théo, Lise, Basile, Nolann, Marius et Mathéo se sont lancés dans le rallye citoyen, ce mercredi 15 mai, en tant que nouveaux ambassadeurs du Lycée Jean Monnet.

Tardive par rapport aux précédents rallyes, cette quatorzième édition n’a pourtant pas profité du « joli mois de mai » attendu. C’est, en effet, dans une atmosphère de fraîcheur et sous de fortes averses épisodiques que les élèves de 2nde du Lycée Jean Monnet ont affronté les épreuves qui les mettaient en compétition avec 8 autres lycées charentais. Au total, une centaine de lycéens répartis en 12 équipes ont « crapahuté » dans l’humidité et la boue du Camp Broche de 8.00 à 18.00 ce jour-là.

Lancé à l’initiative du trinôme académique de Poitiers et organisé par les 1er RIMa, 515e RT, BA 709, Groupement de Gendarmerie départementale de la Charente, la Police nationale, le SDIS 16 ainsi que d’autres organismes et associations, le rallye citoyen est une rencontre annuelle particulièrement bénéfique pour des lycéens du niveau de 2nde

En provenance des lycées publics et privés, généraux et professionnels, du département, ces derniers y apprennent la cohésion dans l’effort, le travail en équipe ainsi que le sens de l’engagement à travers la découverte des métiers de la défense, de la sécurité et de la protection civile.

Les équipes sont ainsi évaluées dans différents ateliers où activités physiques et sportives alternent avec des activités plus pédagogiques. Comment figer et organiser une scène de crime ? Qu’est-ce que la police scientifique ? Comment lire et orienter une carte ? Comment reconnaître certaines espèces animales à leurs empreintes ? Par son intervention, l’Office Français de la Biodiversité (OFB) introduisait ainsi – et pour la première fois – la problématique de l’environnement et de sa protection dans l’organisation générale du rallye.

  • Qu’est-ce que l’Ordre National du Mérite et comment se distingue-t-il de la Légion d’Honneur ? 
  • Qu’est-ce qu’un ancien combattant ? 
  • Quelles furent les grandes batailles de l’année 1944 ? 

Réservistes citoyens et membres des associations ont aussi contribué à l’élargissement de la culture historique des lycéens tant celle-ci est intimement liée à la culture de défense.

Cependant, ce furent les parcours d’obstacles et l’atelier Laser Game qui rencontrèrent le plus grand succès auprès des élèves. Au contact d’un terrain détrempé, boueux et glissant, ces derniers eurent à franchir pont de singe, mur d’escalade, tyrolienne et autres obstacles que les soldats d’infanterie, alourdis par leurs équipements, peuvent rencontrer sur le champ de bataille. Particulièrement immersif, le parcours du 515e RT imposa aux élèves frags (1) et Blueguns en plus du transport d’un blessé. 

Toujours motivés alors que ce parcours intervenait tard dans l’après-midi, après bien d’autres épreuves, les lycéens de Jean Monnet réalisèrent le meilleur temps.

Que ce soit sur le parcours du 1er RIMa ou celui-ci, ils eurent cependant du mal au lancer de grenades : un exercice demandant adresse et précision à 10 m de distance. 

Aux pénalités liées à cet exercice visiblement difficile, ils rattrapèrent les points perdus au tir avec, notamment, les performances d’Agathe au Laser Game et celles de Marius et Nolann au pas de tir Police nationale (10/10 au pistolet).

C’est donc une belle équipe, remarquée pour son dynamisme, sa cohésion et sa discipline, mais aussi et surtout pour son sens de l’action collective dans l’effort, qui remporta cette 14e coupe en première place. Digne de ses aînés qui se sont succédés sur la première marche du podium en 2019, 2021 et 2023 (2), l’équipe 2024 du Lycée Jean Monnet a brillamment assuré le passage du témoin à l’équipe 2025. 

À charge pour celle-ci d’assurer une troisième victoire consécutive, l’année prochaine, qui donnera définitivement à notre lycée le trophée en plus de la coupe.

Le classement de la 14e édition du rallye citoyen (3)

  1. Lycée Jean Monnet (Cognac)
  2. Lycée Saint-Paul (Angoulême)
  3. Lycée Élie Vinet (Barbezieux)
  4. Lycée Jean Rostand (Angoulême)
  5. Lycée Jean-Albert Grégoire (Soyaux)
  6. Lycée Émile Roux (Confolens)
  7. Lycée Charles-Augustin Coulomb (Angoulême)
  8. Lycée Élie Vinet (Barbezieux)
  9. Lycée Charles-Augustin Coulomb (Angoulême)
  10. Lycée Pierre-André Chabanne (Chasseneuil-sur-Bonnieure)
  11. LISA (Angoulême)

Nghia NGUYEN
Professeur agrégé au Lycée Jean Monnet (Cognac)
180e promotion Cardinal de Richelieu

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  1. Cf. La frag est le gilet de combat que porte le combattant d’infanterie. À la fois pare-balles, pare-éclats et porte-chargeurs, il peut peser entre 2 et 4 kg sans les modules et équipements.
  2. Cf. Il n’y a pas eu de rallye citoyen en 2020 du fait de l’épidémie de COVID et, en 2022, le Lycée Jean Monnet a été battu en deuxième place par le Lycée Élie Vinet.
  3. Cf. Certains lycées ont engagé plusieurs équipes. Par ailleurs, une équipe composée d’élèves de Terminale a participé au rallye sans figurer dans le classement, celui-ci étant réservé au niveau de 2nde.

LES JEUNES, L’ENGAGEMENT MILITAIRE ET LA GUERRE

Sociologue et directrice déléguée du CEVIPOF/Sciences Po, Anne MUXEL est une spécialiste de la jeunesse française et de ses évolutions contemporaines. Dans une étude réalisée pour l’IRSEM (1), elle s’intéresse au rapport des 18-25 ans à la guerre et à l’engagement militaire dans le contexte international mais aussi national actuel. Les principaux points révélés par son étude sont les suivants :

  • Les dispositions des jeunes à l’engagement militaire sont réelles en cas de mobilisation dans un conflit de haute intensité.
  • Les jeunes ne se sentent pas coupés de l’Armée nonobstant l’absence de service militaire mais ce lien emprunte différents chemins (famille, école, univers cinématographique et des jeux).
  • Ils ont une perception collective pessimiste de l’avenir dans laquelle la menace d’une guerre reste identifiée quand bien même les enjeux écologiques leur paraissent plus forts.
  • La Deuxième Guerre mondiale reste, pour eux, un cadre de représentation majeur du phénomène guerrier.
  • Les clivages sociaux, culturels et idéologiques continuent de distinguer les orientations selon que l’on soit de CSP+ ou CSP-, de gauche ou de droite, catholiques ou musulmans, diplômés ou non… Les jeunes de gauche ne témoignent cependant plus de l’hostilité des générations précédentes envers l’Armée.
  • Sans être souhaitée, une guerre serait perçue comme « un élément fédérateur d’une appartenance commune ».

En tenant compte des précautions d’usage liées à ce genre d’étude, ces différents points paraissent plutôt positifs. Ils n’en demeurent pas moins théoriques et spéculatifs quant à une résilience réelle de notre jeunesse.

Nghia NGUYEN
Professeur agrégé au Lycée Jean Monnet (Cognac)
180e promotion Cardinal de Richelieu

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  1. Cf. MUXEL (Anne), « Les jeunes et la guerre. Représentations et dispositions à l’engagement », Étude n° 116, IRSEM, mai 2024, 50 p.

Naufrage du Lancastria

Hommage aux soldats et victimes civiles britanniques décédés suite au naufrage du Lancastria le 17 juin 1940 au large de Saint-Nazaire.

Par Gérald SIM – Professeur agrégé d’histoire-géographie au collège Pierre Mendès France de La Rochelle, chargé de cours à l’université de La Rochelle.
– Docteur en histoire contemporaine de l’Université de Nantes et spécialiste des relations franco-américaines au XIXe siècle.
– Auditeur de la 198e session en région (promotion « Capitaine Charles N’Tchoréré ») de l’Institut des hautes études de défense nationale (2014).

Le 16 juin 2023, les élèves de la classe de défense du collège Pierre Mendès France, dirigée par Gérald SIM, et les volontaires du 3e Régiment du Service militaire volontaire de La Rochelle ont souhaité rendre hommage aux soldats et aux victimes civiles britanniques décédés suite au naufrage du Lancastria le 17 juin 1940, en déposant au cimetière de Bois-Plage-en-Ré une urne contenant de la terre et des pierres provenant du Royaume-Uni. Voir [Annexe 1] et [Annexe 2]

En France, 41 cimetières, répartis en Loire-Atlantique, Vendée et Charente-Maritime, abritent les sépultures des victimes dont les corps ont échoués sur nos plages. Un mémorial commémoratif a été érigé à Saint-Nazaire.

En Charente-Maritime, 27 cimetières sont concernés dont celui de Bois-Plage-en-Ré qui dénombre 13 tombes. Voir [Annexe 3]

Cette manifestation mémorielle est organisée à partir de travaux réalisés par la classe de défense sous la conduite pédagogique de Gérald SIM. Cet évènement a eu lieu en présence de différentes autorités locales. Maire de la commune, conseiller départemental, DMD adjoint, le service départemental de l’ONaCVG de Charente-Maritime.

Paul MORIN, président de l’AR-18, assistait à la cérémonie accompagnée par Jean-Marc BRAULTde BOURNONVILLE, secrétaire du comité Aunis-Saintonge. 

Détail de la cérémonie avec la présence des élevés de la classe de défense et également des volontaires du 3e RSMV de La Rochelle.

Tout ce travail de mémoire et d’identification des victimes est consultable dans un livre numérique réalisé par les élèves :

https://tinyurl.com/27pucynw

Lecture du livre : https://tinyurl.com/27pucynw

ANNEXE 1

Déroulé de la cérémonie.

  • Présentation par une représentante du SMV du déroulé de la cérémonie
  • Présentation sous forme de discours du projet pédagogique mené au cours de l’année scolaire (je serai aux manettes)
  • Lecture de la lettre d’un rescapé du Lancastria (2 élèves)
  • Lecture de 4 biographies réalisées par les élèves
  • Mot du président de l’association du Lancastria venant exprès de Saint-Nazaire.
  • Dépôt de l’urne contenant de la terre et des pierres venant du Royaume-Uni et inauguration d’une plaque commémorative
  • Dépôt de fleurs et de bougies par les élèves
  • Lecture des noms des soldats britanniques inhumés dans le cimetière par un élève et un volontaire du SMV énonce “Mort en service”
  • Dépôt des gerbes par les autorités avec les élèves : Mairie, DMD adjoint (LCL Lanza), conseil général (Patrice Raffarin), Office national des combattants et victimes de guerre, président de l’association du Lancastria 
  • Aux morts – minute de silence
  • Temps d’échange entre participants

ANNEXE 2

Le Lancastria sombre au large de Saint-Nazaire.

C’est l’une des plus grandes catastrophes maritimes de l’histoire. 

Le 17 juin 1940, le paquebot britannique Lancastria sombrait au large de Saint-Nazaire, mortellement touché par les bombes de l’aviation allemande. 

Mis en service en 1922 (sous le nom de Tyrrenhia puis rebaptisé en 1924), le navire de la Cunard, long de 168 mètres, venait d’embarquer des soldats britanniques fuyant l’avancée des troupes allemandes dans l’ouest de la France. 

Après son appareillage, le Lancastria est attaqué à 15 h 50 par quatre avions Ju 88, qui parviennent à placer une bombe dans une des cheminées. Ce coup fatal provoque la perte du navire, qui coule en une vingtaine de minutes. 

Officiellement, le naufrage fait 5 200 victimes, ce qui en fait le second plus meurtrier après celui du paquebot allemand Wilhelm Gustloff (plus de 5 300 morts), torpillé le 30 janvier 1945 par un sous-marin soviétique. Toutefois, selon certains historiens, la perte du Lancastria aurait, en réalité, fait quelques 7 000 victimes. 

Tragédie confidentielle. Le nombre exact de ceux qui se sont trouvés à bord du Lancastria est inconnu.
Les documents de bord sont sous secret militaire pour 100 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2040. 
À l’annonce du naufrage, Churchill place sous secret la nouvelle du désastre, par la Defence Notice (D-Notice), afin de ne pas démoraliser davantage les citoyens britanniques. 
Le même jour, l’armée française est complètement anéantie par l’armée allemande et l’annonce officielle de la capitulationde la France devant l’Allemagne d’Hitler est diffusée au même moment.

ANNEXE 3

27 cimetières sont concernés en Charente-Maritime.
© Commonwealth War Graves

  • Angoulins :                                   2 tombes.
  • Ars-en-Ré :                                  12 tombes (île de Ré).
  • Aytré :                                          2 tombes.
  • Châtaillelon-Plage :                      6 tombes.
  • Dolus d’Oléron :                           11 tombes (île d’Oléron).
  • Fouras :                                       1 tombe.
  • Jonzac :                                       2 tombes.
  • La Couarde-sur-Mer :                   5 tombes.
  • La Rochelle :                                1 tombe (cimetière Saint-Éloi).
  • La Tremblade :                             9 tombes.
  • Le Bois-Plage-en-Ré :              13 tombes (île de Ré).
  • Château-d’Oléron :                      1 tombe (île d’Oléron).
  • Les Mathes :                                1 tombe.
  • Les Portes :                                 1 tombe.
  • Muron :                                        1 tombe.
  • Rochefort-sur-Mer :                      29 tombes (cimetière naval).
  • Royan :                                        7 tombes (cimetière catholique Romain).
  • Saint-Clément-les-Baleines :        6 tombes (île d’Oléron).
  • Saint-Georges-d’Oléron :             18 tombes (île d’Oléron).
  • Saint-Martin-de-Ré :                     10 tombes (île de Ré).
  • Saint-Nazaire-sur-Charente :        2 tombes.
  • Saint-Palais-sur-Mer :                   8 tombes.
  • Saint-Trojean-les-Bains :              13 tombes.
  • Sainte-Marie-de-Ré :                    7 tombes (île de Ré).
  • Yves :                                           5 tombes.