GAFAM Nation

La toile d’influence des géants du web en France.

L’Observatoire des multinationales a publié un rapport très complet (en PJ)  sur les pratiques de lobbying des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) en France.

Un document éclairant et particulièrement utile tant il y a peu de données disponibles sur ces pratiques au niveau français.

S’il en était besoin, il démontre leur pénétration jusqu’au plus haut niveau de l’État et la servitude volontaire de la haute administration et de la plupart des couches de l’économie et de la société.

La pieuvre qui enserre de plus en plus la plupart des rouages de la Nation doit rencontrer la résistance de chacun d’entre nous si nous voulons demeurer une société libre et indépendante et ne pas glisser vers un scénario à la “1984”, déjà bien entamé.

Les moyens alternatifs aux outils des GAFAM sont connus et sont aussi performants. L’idéal serait qu’il existe vraiment une volonté politique ferme et durable de les employer. A défaut, c’est à chaque citoyen de les utiliser et d’inciter à leur emploi.

« Le pouvoir n’existe que parce que ceux sur lesquels il s’exerce y consentent. » 
« Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude…»
La Boétie

Principales conclusions.
Les filiales françaises des GAFAM ont déclaré au total en 2021 la somme de 4 075 000 euros de dépenses de lobbying en France, contre 1 350 000 euros en 2017, soit une multiplication par 3.
Les GAFAM bénéficient en outre pour leur lobbying de l’appui de nombreux cabinets (8 à Paris et 10 à Bruxelles pour Google), ainsi que de plusieurs associations d’entreprises du numérique avec des dépenses de lobbying cumulées de 1,44 million d’euros en 2021.
Les GAFAM ont recruté de nombreux anciens hauts fonctionnaires ou anciens responsables d’autorité de régulation en France pour assurer leur lobbying auprès de leurs anciens collègues.
En dépit des révélations des «Uber Files» et d’autres enquêtes journalistiques, il n’y a toujours presque aucune transparence sur les rencontres et contacts entre les GAFAM et les décideurs publics.
Les GAFAM ont multiplié les partenariats financiers avec des “think-tanks”, des grands médias ou des institutions de recherche en France, ce qui leur assure une influence considérable sur la fabrique de l’opinion et le débat public.
Par manque de moyens et d’expertise, les administrations et les services publics ont eux aussi multiplié les contrats et les collaborations avec les GAFAM, qui s’affirment ainsi comme des partenaires incontournables des États.

L’empreinte numérique

Par Jacques TABARY
Commissaire en chef de 1ère classe (er)
Auditeur IHEDN – Comité Aunis-Saintonge

Toute personne qui se connecte à Internet, avec quelque appareil que ce soit, y laisse des traces. Elle peut penser que sa navigation sur le WEB est noyée dans la masse, et qu’elle ne sera pas remarquée puisqu’elle n’a pas d’importance particulière. Cette croyance très répandue est malheureusement inexacte. Même si la personne n’a, selon elle, « rien à cacher », son comportement intéresse les grandes sociétés.

Chaque connexion à Internet oblige à y laisser des données personnelles, de manière généralement involontaire.

Les sites relèvent systématiquement l’adresse IP[i] du périphérique informatique connecté. Celle-ci est unique, et lui permet d’être reconnue sur le réseau Internet afin que les serveurs distants puissent lui envoyer l’information demandée.

Attribuée par le fournisseur d’accès, elle constitue une trace inévitable de l’activité de l’internaute sur le WEB. Elle est enregistrée sur les serveurs contactés au gré de la navigation et permet la localisation de l’appareil utilisé. Le serveur relèvera en même temps le nom du navigateur, la résolution d’écran et le système d’exploitation utilisés, ainsi que l’adresse du dernier site visité. Ces données constituent le profil de base. La probabilité que deux internautes aient le même étant très faible, ils sont donc parfaitement identifiables. Les serveurs conserveront les journaux de connexion pendant une certaine durée (un an en France, illimitée aux USA).

Simultanément, des codes informatiques, les « cookies », sont déposés sur le disque dur de l’ordinateur via le navigateur.

Ceux-ci ont d’abord un but pratique : lors de la connexion suivante, l’internaute retrouve l’affichage tel qu’il a été paramétré, notamment la langue.

Ils permettent aussi à l’éditeur du site Internet de savoir quelle est son audience, ainsi que le comportement de ses utilisateurs. Un maximum d’informations est donc recueilli : pages vues, temps passé sur la page, etc …

Mais au-delà de cet intérêt pratique, l’envoi de « cookies » a des objectifs plus pernicieux. Après regroupement et analyse par des sociétés spécialisées, ces codes informatiques permettent de compléter le profil de l’internaute avec ses centres d’intérêt, son environnement privé, social et professionnel, pour lui envoyer des publicités de mieux en mieux ciblées. Ce sont donc de véritables outils d’influence.

La récolte massive des « cookies » constitue (pour l’instant) le moteur principal du modèle économique d’Internet. La consultation des sites étant gratuite, la réception de publicités, sur lesquelles il est proposé de cliquer, est la contrepartie de cette gratuité, car ce sont elles qui financent les sites Internet. Les profils des internautes sont commercialisés par les sociétés précitées, les « datas brokers », les données étant « l’or noir » de l’économie du XXIe siècle.

Les renseignements laissés sur les réseaux sociaux permettent de dresser un profil encore plus complet de l’internaute. D’après le site officiel d’Instagram[ii], les renseignements suivants sont recueillis quand l’internaute se connecte à Instagram, Facebook ou Messenger :

  • les métadonnées[iii]du fichier fourni ;
  • des informations sur les personnes, les pages, les comptes, et les groupes avec lesquels il est en relation, ainsi que la manière dont il interagit avec eux (par exemple, les personnes avec lesquelles il communique le plus ou les groupes dont il fait partie) ;
  • les données concernant ses achats et ses transactions (telles que le numéro de sa carte de crédit et d’autres informations de compte et d’authentification, ainsi que des données de facturation et de livraison, et ses coordonnées) ;
  • des activités d’autres personnes et les informations qu’elles fournissent le concernant (par exemple lorsqu’elles partagent ou commentent l’une de ses photos, lui envoient un message ou téléchargent, synchronisent ou importent ses coordonnées) ;
  • des informations techniques sur les appareils utilisés et leur environnement (signaux Bluetooth, points d’accès Wifi, les balises ou tours de télécommunication à proximité) ;
  • des données issues des paramètres de l’appareil (système d’exploitation, les versions matérielles et logicielles, le niveau de batterie, l’intensité du signal, l’espace de stockage disponible, le type de navigateur, le nom et le type des applications et des fichiers, ainsi que les plugins, la localisation GPS) ;
  • des informations provenant des très nombreux partenaires d’Instagram, Facebook et Messenger. C’est ainsi que le site du journal « Le Monde » comporte des « mouchards » de Facebook, Twitter et Google, que le lecteur ait un compte sur ces réseaux ou non.

Ces informations peuvent être partagées avec d’autres à l’insu de la personne concernée : sur un réseau social, on mène une vie… sociale. Il est donc illusoire de penser y mener une vie privée. 

Les ordiphones (« smartphones ») sont beaucoup plus indiscrets que les ordinateurs classiques et sont considérés comme de véritables aspirateurs à données.

En effet, de nombreuses applications mobiles exigent, pour pouvoir les utiliser, de leur octroyer des permissions très intrusives. C’est ainsi que « Strava » permettait de suivre l’entraînement sportif des agents de la DGSE autour de la caserne Mortier[iv]. De même, il est souvent étonnant de constater qu’un simple jeu demande aussi l’accès au carnet d’adresses de l’ordiphone, pour fonctionner …

Même si une application ne demande pas de permission particulière, ce qui est rare, le simple fait de la télécharger sur « Google Play » ou l’« App Store » fournit à ces plateformes des renseignements précieux.

Google et Apple connaîtront ainsi, grâce au gouvernement…, le nom des citoyens qui ont téléchargé l’application « Tousanticovid » et ajusteront les publicités envoyées en conséquence.

L’empreinte numérique générée par l’activité Internet de chaque internaute peut grossir très vite, faisant peser des risques non-négligeables sur sa vie privée et sa vie professionnelle. Google et Apple savent sans doute beaucoup plus de choses sur lui que son propre conjoint.

La réception quotidienne de publicités qui, comme par hasard, correspondent généralement aux goûts, aux désirs, aux recherches de l’intéressé voire à sa localisation, en est la conséquence la plus directe et la plus visible.

Mais les conséquences peuvent être aussi beaucoup plus graves, les empreintes numériques pouvant être compromises par le piratage du serveur où elles se trouvent et être utilisées dans des buts malveillants, voire criminels. Et les piratages ne sont pas rares[v] : ainsi, des données personnelles, concernant 533 millions de comptes Facebook, dont potentiellement 20 millions en France, sont actuellement diffusées sur un site de « hackers »[vi].

Ces piratages peuvent donner lieu à l’usurpation de l’identité de l’internaute à des fins frauduleuses, ou à la mise en cause de sa réputation. Le réalisme des courriels de « hameçonnage » est renforcé par l’exploitation des empreintes numériques.

Les photos peuvent contenir des balises indiquant où et quand elles ont été prises. Ces informations pourraient être utilisées pour localiser la maison de l’internaute, l’endroit où ses enfants vont à l’école. Ainsi, les photos publiées sur Instagram par un militaire en opération extérieure peuvent être rapprochées de celles déjà prises en France, révélant d’emblée que l’intéressé est absent de son domicile.

Des actions simples permettent de limiter le pistage.

  • Le choix du moteur de recherche est la plus efficace. Ainsi, il convient de bannir « Google », « Yahoo », au profit de moteurs qui ne pistent pas leurs utilisateurs comme « Qwant » ;
  • Celui du navigateur en est une autre. « Chrome » ou « Edge » sont à délaisser au profit de « Firefox », navigateur libre qui dispose de nombreuses extensions de protection. Dans tous les cas, il est prudent d’effacer l’historique de navigation à la fin de chaque session ;
  • Des choix plus radicaux comme l’utilisation d’un « VPN » (réseau virtuel privé) permettent d’avoir une protection plus complète ;
  • Pour la messagerie, prenant acte du fait que « Gmail », « Hotmail », « Outlook »…, lisent les courriels à livre ouvert, il convient de privilégier les applications chiffrées de bout en bout comme « Protonmail » ou « Tutanota », pour avoir une confidentialité totale ;
  • De même, il est préférable d’utiliser « Signal », plutôt que « WhatsApp » dont les données de connexion sont partagées avec «  Facebook », son propriétaire ;
  • Pour les ordiphones, il vaut mieux utiliser de préférence ceux équipés d’un système d’exploitation libre comme « E »[vii] (qui est français), sinon privilégier les téléchargements sur une plateforme ne pistant pas ses utilisateurs, comme « F-Droid[viii] » ;
  • Il existe aussi des alternatives libres[ix][x][xi] aux réseaux sociaux US.

Il est souhaitable de se connecter en priorité à des sites européens localisés en Europe, car les données personnelles sont ainsi protégées par le RGPD[xii].

Ce n’est malheureusement pas le cas des données médicales confiées à « Doctolib », bien que ce site soit français. En effet, elles sont hébergées sur les serveurs « d’Amazon Web Services », société soumise, de par sa nationalité, au « Cloud Act[xiii] » et donc susceptible de répondre à toute demande des services officiels US, même si les données sont en Europe.

Ce n’est pas le cas non plus des solutions de visioconférence à la mode comme « Zoom » et « Viméo », trop souvent utilisées, y compris par des organismes officiels, alors qu’il s’agît d’applications américaines, donc soumises aussi au « Cloud Act ». Les identités des participants, leur image et leur voix, pourraient ainsi être exploitées à leur insu.

Le socle interministériel de logiciels libres préconise l’emploi de l’application « Jitsi Meet[xiv] ».

Les profils réalisés à partir des « cookies » permettent de mieux cibler les internautes afin de les pousser à effectuer une action (achat ?, vote ?) qu’ils n’auraient peut-être pas faite autrement.

Sauf à voir la liberté individuelle se réduire comme une peau de chagrin sous la pression de ce contrôle social insidieux, la limitation de l’empreinte numérique laissée sur Internet doit être une préoccupation quotidienne.

Le fonctionnement de la Démocratie est également impacté puisque la connaissance étendue des empreintes numériques peut en fausser l’expression légitime, comme l’a démontré le scandale de la société « Cambridge Analytica », accusée d’avoir exploité les données de 87 millions d’utilisateurs de Facebook afin de favoriser le « Brexit » et l’élection de Donald Trump.

La maîtrise des données personnelles est une condition essentielle, non seulement de la liberté individuelle, mais aussi de la souveraineté nationale.


[i] Internet Protocol
[ii] https://fr-fr.facebook.com/help/instagram/155833707900388
[iii] Les métadonnées contiennent des informations sur la source du document, sa nature, son contenu et sa localisation physique. Elles ont pour effet d’améliorer l’efficacité des recherches d’information.
[iv] BFM TV 12/01/2018
[v] Adresse à consulter pour savoir si on a été piraté : https://haveibeenpwned.com/
[vi] Le Point 03/04/2021
[vii] https://e.foundation/fr/?lang=fr
[viii] https://fr.wikipedia.org/wiki/F-Droid
[ix] Les alternatives libres à Instagram
[x] https://mastodon.etalab.gouv.fr/about ou https://mamot.fr/auth/sign_in
[xi] https://www.signal.org/fr/
[xii] Règlement Général pour la Protection des Données
[xiii] https://fr.wikipedia.org/wiki/CLOUD_Act
[xiv] https://framatalk.org/accueil/fr/

Télécharger l’article :
2021-05-17_TABARY_Jacques_Empreinte-numérique.pdf

Soumission ou Souveraineté ?

Par Jacques TABARY – Commissaire en chef de 1ère classe (er)

La Constitution du 4 octobre 1958 stipule : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale ».
Cet article a pour but de démontrer que cette Loi fondamentale n’est pas respectée dans le domaine numérique.

La souveraineté numérique peut couvrir (ou dépendre de) plusieurs aspects dont notamment le stockage des données, les systèmes d’exploitation, les applications logicielles, la capacité à se protéger des attaques informatiques, à assurer la protection des données personnelles ainsi qu’industrielles et commerciales[1]

Aujourd’hui, les données françaises et européennes qui, pour beaucoup, constituent « l’or noir » de l’économie contemporaine, sont stockées à 80 % aux USA ou dans des serveurs américains. Ainsi, les données de santé des Français sont depuis 2019 hébergées par Microsoft, en dépit de l’avis défavorable de l’ANSSI[2],  dans le cadre du marché « Health Data Hub ». Renault, entreprise dont l’État est actionnaire, confie le traitement de ses données industrielles à Google. BPI France, banque publique d’investissement, organisme de financement et de développement des entreprises, fait enregistrer les demandes de crédit des entreprises françaises au sein d’une solution Amazon. 85% des entreprises du CAC 40 ont confié leurs données à Microsoft

Les flux des données en Europe, massivement captés par les États-Unis.
© ResearchGate : https://www.researchgate.net/figure/Les-flux-de-donnees-en-Europe-massivement-captes-par-les-Etats-Unis_fig1_329868098

La domination des « GAFAM[3] » conduit à un transfert massif des données et de valeur ajoutée vers ces multinationales. Elle pose ainsi un grave problème de souveraineté nationale.

S’agissant des ordinateurs, le système d’exploitation « Windows » de Microsoft et les applications « MS Office » écrasent toute la concurrence en équipant 80 à 90 % des ordinateurs des particuliers, des entreprises et des administrations. Cette proportion monte à 100 % dans 2 ministères régaliens : les Armées et la Justice…
Ceci n’est pas sans poser problème s’agissant de la sécurité :
Les logiciels de Microsoft sont les vecteurs privilégiés des « malwares », en raison de leur position dominante ;
Les remontées « techniques » périodiques de données, faites sans accord de l’utilisateur, sont également sujettes à interrogation.

Le système « Androïd » de Google équipe 75 % des ordiphones, Apple arrivant en deuxième position. Ces deux systèmes sont considérés comme de véritables aspirateurs à données :
Quand La Banque Postale demande à ses clients de télécharger sur « Google Play » l’application « Certicode + », elle fournit gratuitement à Google le nom et l’adresse IP du client concerné, ce qui complétera son profil commercial. En enregistrant les téléchargements, Google obtient aussi la liste nominative de tous les clients de la banque, laquelle devrait pourtant protéger à tout prix cette donnée stratégique majeure ;
L’association Tégo (ex- AGPM et GMPA) recommande aussi le téléchargement de son application mobile sur « Google Play ». Cette fonctionnalité intéressant surtout les jeunes militaires, Google pourra ainsi facilement rapprocher la qualité d’adhérent de Tégo, qui découle du téléchargement, avec sa géo-localisation. De là à en déduire à quelle unité militaire située à proximité appartient l’adhérent, il n’y a qu’un pas …

Soumises au « Cloud Act », les « GAFAM » sont obligées de répondre aux demandes des services de renseignement américains, même si les données qu’elles gèrent sont situées à l’étranger.

Il existe une grande porosité entre elles et ces services :
Microsoft[4] a été la première entreprise à participer au programme de surveillance PRISM de la NSA ; elle a aidé celle-ci à avoir accès aux messageries « Outlook » et « Hotmail » ;
Amazon vient de nommer à son conseil d’administration l’ancien chef de la NSA, le général ALEXANDER, qui a supervisé la surveillance de masse dénoncée par Edgar SNOWDEN.

Cette proximité et la mainmise totale des GAFAM sur l’Internet mondial ont permis, grâce aux informations obtenues par l’espionnage industriel américain, à General Electric de prendre le contrôle d’Alsthom, à FMC de mettre la main sur Technip, à Total, Shlumberger, Alcatel, BNP, Société Générale, Crédit Agricole de payer des dizaines de milliards de dollars d’amendes.

C’est ce dont prend acte implicitement la Cour de Justice de l’Union Européenne le 16 juillet 2020 par l’arrêt « SCHREMMS 2 », du nom de l’avocat qui a contesté le transfert des données opéré par Facebook Irlande vers sa maison-mère aux USA. Ce jugement historique, qui aurait dû faire la « Une » des médias, constate que les données à caractère personnel ne bénéficient pas aux USA d’une protection équivalente à celle délivrée en Europe par le RGPD[5], ce qui rend illicite leur transfert vers une société soumise au droit américain.

Le Conseil d’État étant saisi de l’affaire « Health Data Hub », la CNIL[6], dans la suite de l’arrêt précité, lui transmet le 8 octobre dernier, un mémoire[7] demandant aux acteurs stockant des données de santé de cesser de confier leur hébergement à Microsoft ou à toute société soumise « au droit étatsunien ».

Le coup de tonnerre provoqué par l’arrêt « SCHREMMS 2 » doit contraindre le gouvernement français à abandonner son acceptation tacite de la domination américaine.

Une idée largement diffusée est qu’hors des GAFAM, il n’y aurait point de salut. Pourtant le potentiel européen est immense et les solutions alternatives existent :
Il ressort de travaux d’avril 2016[8], que l’UE dispose d’une capacité de stockage suffisante sur son territoire pour assurer l’hébergement et le traitement des données à caractère personnel des citoyens européens actuellement traitées aux États-Unis : la « licorne[9] » française OVH, entreprise de niveau mondial, avait ainsi largement les moyens de traiter les données de santé des Français.
Que ce soit pour les particuliers, les entreprises ou les administrations, le système d’exploitation « Windows » peut être avantageusement remplacé par son équivalent libre « Linux », dont la fiabilité et la robustesse sont mondialement reconnues, y compris par la NASA et l’US Navy, qui en a équipé ses sous-marins nucléaires. La Gendarmerie Nationale l’utilise depuis 15 ans. L’ANSSI a développé un système « Clip OS », également basé sur un noyau Linux, capable de gérer des informations de plusieurs niveaux de sensibilité.
S’agissant de la bureautique, les logiciels libres représentent une alternative performante et très économique aux produits Microsoft.

La suite libre la plus populaire est « LibreOffice », issue d’un logiciel commercial allemand « StarOffice » dont la licence a été rendue libre. Elle comprend les mêmes modules que « MS Office » et est aussi performante. Elle en utilise sans difficulté les fichiers, tant en import qu’en export.
Le marché public « de support logiciel libre » gagné par ATOS permet aujourd’hui à toutes les administrations centrales de bénéficier du support de 350 logiciels « open source » dont nombre d’outils collaboratifs.

De manière générale, tous les produits propriétaires ont une alternative libre. Les logiciels libres sont plus sûrs :
D’une part, leur code source est ouvert, c’est-à-dire libre d’accès, contrairement à celui des logiciels propriétaires. Cette situation permet donc à la communauté de repérer et réparer plus rapidement les failles logicielles, les erreurs et négligences de programmation.
D’autre part, n’étant pas soumis à une logique commerciale, les données techniques qu’ils récoltent sont strictement limitées à ce domaine et ne sont pas revendues.

L’Europe et la France peuvent donc restaurer leur souveraineté numérique et se détacher de la vassalisation actuelle envers nos « alliés » américains. Cet objectif n’est pas hors de portée.

Il faudrait pour cela une volonté politique ferme et durable. Mais les discours et les actes du gouvernement sont contradictoires :
Lors de la restitution publique du rapport sur l’intelligence artificielle du député Cédric VILLANI, le 28 mars 2018, le Président de la République définit la souveraineté nationale comme « la capacité pour une Nation de définir par elle-même les normes auxquelles elle se soumet et non de se voir imposer ces règles de l’extérieur ».
Mais, dans son intervention du 14 septembre 2020 devant les principaux acteurs français du numérique, il limite cette notion de souveraineté au niveau européen et au domaine économique, comme la promotion de « licornes » ou de « start-up ».

D’autre part :
Le ministère des Armées continue de préférer « Windows » et « MS Office » dans le cadre d’un accord  « open bar » passé sans appel d’offres en 2009, contre l’avis des experts militaires.
Le choix de Microsoft en 2019 pour héberger les données de santé des Français était contraire à l’intérêt national :
– le Conseil d’État exige, par ordonnance de référé du 13 octobre 2020, le renforcement des clauses du marché « Health Data Hub » pour qu’il ne soit soumis qu’au droit de l’Union Européenne.
– leur traitement est un marché d’avenir qui échappe ainsi à une société française.
L’Éducation Nationale renouvelle au mois d’août 2020 son parc de licences Microsoft pour un montant de 8,3 M€ : cette décision très critiquable oriente des millions de jeunes vers ces produits à la fois payants et non souverains. Est-ce là le rôle de ce ministère ?
Il en est de même des organismes de formation professionnelle qui continuent à former systématiquement leurs stagiaires sur les logiciels de cette société.

Il est donc mensonger de parler de souveraineté numérique. La Constitution de la République n’est clairement pas respectée. Seule une volonté politique lucide et forte pourrait dégager la France des tentacules « étatsuniennes » en mettant en œuvre des solutions alternatives :
relocalisation des données en Europe ;
abandon de la préférence générale donnée à Microsoft dans les services publics, aux Armées, et notamment dans l’Éducation Nationale, de manière à ne pas favoriser l’addiction des jeunes aux GAFAM ;
respect des textes en vigueur qui incitent à choisir au maximum les logiciels libres.

L’arrêt « SCHREMMS 2 » est une opportunité de restaurer la souveraineté numérique nationale en relançant l’informatique française. Il doit conduire le gouvernement à mettre sur pied en urgence une vraie politique numérique qui ne se résume pas, comme aujourd’hui, à la promotion de l’application « TousantiCovid ».

Jacques TABARY – Auditeur du Comité Aunis-Saintonge


[1] Rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique
[
2] Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information
[3] Google Apple Facebook Amazon Microsoft
[4] « MICROSOFT handed the NSA access to encrypted messages », The Guardian 12 juillet 2013
[5] Règlement général sur la protection des données
[6] Commission Nationale Informatique et Libertés
[7] https://www.usine-digitale.fr/article/microsoft-doit-se-retirer-du-health-data-hub-d-apres-la-cnil.N1014634
[8] Rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique – page 20
[9] Le terme « licorne » est employé pour désigner une startup valorisée à plus d’un milliard de dollars

© ASAF – Souveraineté nationale informatique : https://www.asafrance.fr/item/souverainete-nationale-informatique.html

Traçage sur Internet

Qu’on le veuille ou non, on laisse toujours des traces sur Internet. Et elles peuvent être conservées longtemps : ainsi, de par la Loi, chaque fournisseur d’accès français doit conserver les connexions faîtes au moyen de votre adresse IP (Internet Protocol) pendant 1 an.

Mais ce maximum peut facilement être dépassé car il n’est pas possible de maîtriser la manière dont les données sont conservées sur les millions de site qui existent dans le WEB : il m’est ainsi arrivé de retrouver une de mes interventions sur un forum de discussion effectuée il y a plus de 20 ans !

Il faut donc être prudent et laisser le minimum de traces sur Internet, d’autant que l’utilisation d’un ordiphone (smartphone) aggrave le risque d’être pisté.

À titre d’exemple, voici tout ce que Google peut savoir de vous.

Une bonne pratique consiste donc à éviter d’employer GOOGLE pour les recherches. Les moteurs « DuckDuckGo » et « Qwant » s’engagent à ne pas vous pister.

Mais le risque n’est pas nul :

  • DuckDuckGo est basé aux USA et est donc soumis à la législation de ce pays. Il pourrait donc être obligé à collaborer avec les services de sécurité ;
  • Qwant est français mais utilise le moteur de recherche de Microsoft « Bing ». Seule une adresse IP tronquée est transmise à cette société, ce qui limite grandement le risque d’être identifié. Mais des croisements pourraient être effectués, notamment avec les autres éléments du profil numérique (Système d’exploitation, navigateur, résolution d’écran…) ou avec les « cookies » déjà transmis, surtout si vous êtes un utilisateur de Windows et de MS Office.

Rien n’est parfait mais ces 2 moteurs de recherches sont quand même plus respectueux de vos données privées.

La CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) vous indique ci-dessous, de manière complète et pédagogique, les bonnes pratiques à suivre quand vous vous connectez à Internet : https://www.cnil.fr/maitriser-mes-donnees

Ce que collecte Google

Cette étude a été menée par le professeur Douglas C. Schmidt, enseignant en informatique à l’université Vanderbilt, et par son équipe.

DCN remercie le professeur Schmidt d’en autoriser la diffusion. Nous l’offrons donc au public avec son autorisation.

La version originale en anglais est disponible à l’adresse :

https://digitalcontentnext.org/wp-content/uploads/2018/08/DCN-Google-Data-Collection-Paper.pdf

– o o O o o –

Un premier aperçu.

1. Google est la plus grosse agence de publicité numérique du monde.

Elle fournit aussi le leader des navigateurs web, la première plateforme mobile ainsi que le moteur de recherche le plus utilisé au monde.

La plateforme vidéo de Google, ses services de courriel et de cartographie comptent 1 milliard d’utilisateurs mensuels actifs chacun.

Google utilise l’immense popularité de ses produits pour collecter des données détaillées sur le comportement des utilisateurs en ligne comme dans la vie réelle, données qu’il utilisera ensuite pour cibler ses utilisateurs avec de la publicité payante.

Les revenus de Google augmentent significativement en fonction de la finesse des technologies de ciblage des données.

2. Google collecte les données utilisateurs de diverses manières.

Les plus évidentes sont « actives », celles dans lesquelles l’utilisateur donne directement et consciemment des informations à Google, par exemple en s’inscrivant à des applications très populaires telles que YouTube, Gmail, ou le moteur de recherche.

Les voies dites « passives » utilisées par Google pour collecter des données sont plus discrètes, quand une application devient pendant son utilisation l’instrument de la collecte des données, sans que l’utilisateur en soit conscient.

On trouve ces méthodes de collecte dans les plateformes (Android, Chrome), les applications (le moteur de recherche, YouTube, Maps), des outils de publication (Google Analytics, AdSense) et de publicité (AdMob, AdWords).

L’étendue et l’ampleur de la collecte passive de données de Google ont été en grande partie négligées par les études antérieures sur le sujet.

Une liste des études antérieures ou nouvelles sur la collecte de données par Google figure dans l’appendice du présent document.

Pour lire la suite, télécharger le rapport suivant : 
- Ce que collecte Google