Identifier une munition

Portail des munitions open source [Open Site Munitions Portal ]

L’infinie variété des munitions, tous modèles, tous milieux, toutes fonctions et tous calibres confondus, pose un vrai problème d’identification d’autant plus que les guerres contemporaines n’auront jamais été aussi médiatisées, judiciarisées et scrutées jusque sur les réseaux sociaux. Initiative récente puisqu’elle remonte à novembre 2023, l’Open Source Munitions Portal (OSMP) propose désormais une véritable base de données évolutive et accessible en ligne sur les munitions terrestres et aériennes utilisées dans les conflits récents.

Cette base repose sur des photographies authentifiées et datées de munitions utilisées sur leurs théâtres d’opération. Chaque photographie d’éclats, de restes ou d’éléments divers est accompagnée d’une fiche descriptive et technique de la munition. Des entrées par théâtres d’opération, années d’utilisation, catégories, emplois et modèles font de l’OSMP un véritable outil de travail pour les chercheurs, les journalistes et autres personnes intéressées par l’identification des munitions sur les champs de bataille contemporains.

L’OSMP est une initiative de l’Armament Research Services (ARES), un cabinet de conseil et d’expertise australien en matière d’armement.

1 – L’Open Source Munitions Portal – https://osmp.ngo/
2 – Le cabinet ARES – https://armamentresearch.com/
Nota – La plupart des navigateurs propose une traduction en français.

Nghia NGUYEN
Professeur agrégé au Lycée Jean Monnet (Cognac)
Auditeur IHEDN – 180e promotion Cardinal de Richelieu

Les scénarios noirs de l’armée française

Compte rendu de lecture de SAVIANA (Alexandra), Les scénarios noirs de l’armée française. Comprendre les menaces qui nous attendent, Paris, Robert Laffont, 2024, 236 p.

Avec la naissance des grands états-majors et des académies militaires au XIXe siècle, les militaires ont pris l’habitude d’imaginer la prochaine guerre. À cette fin, l’histoire militaire – celle notamment des batailles – fut particulièrement mobilisée. Plus qu’une source de méditation sur les erreurs et les opportunités manquées, l’étude du passé permettait aussi de dégager des principes qui, mutatis mutandis, participaient à l’élaboration de nouveaux plans. Si cette posture préparatoire n’a pas disparu, faisant encore de la bataille d’Austerlitz un objet d’étude tactique et stratégique, les mutations technologiques contemporaines et la dilatation des champs de bataille à l’ère de la mondialisation obligent les Armées à se tourner plus que jamais vers le futur à travers une démarche prospective pouvant aller jusqu’à la science-fiction (1).

Dans un environnement mondialisé particulièrement fluide, les menaces s’accumulent. Non seulement elles se déploient dans les milieux physiques classiques (terre, air, mer) auxquels s’ajoutent de nouveaux milieux (espace exo-atmosphérique, grands fonds), mais ces menaces s’introduisent également dans des champs désormais immatériels (cyberespace, dimension cognitive) qui ne connaissent pas de frontières et s’affranchissent des limites jusqu’à présents connues (distance/temps, militaire/civil, société/individu, public/privé…). Indexées sur l’évolution rapide et exponentielle des technologies, ces menaces peuvent aujourd’hui s’hybrider au point de brouiller des situations jusqu’à présent distinctes, et d’abolir le cycle paix/guerre/paix, faisant davantage parler de « conflictualités » que de conflits au sens conventionnel.

Plus que jamais, la guerre peut se faire sans… se faire, de manière permanente et dans la continuité de relations internationales en apparence inchangées. Sans disparaître, la menace militaire demeurera essentiellement médiatique et dissuasive alors que ce qui sera justement privilégié c’est l’évitement d’un conflit armé. De nombreuses actions hostiles et agressives peuvent désormais se réaliser en dessous du seuil de l’engagement militaire. Elles auront pour objectifs l’intimidation, la coercition, la subversion voire la recherche d’un point de bascule sans pour autant aller jusqu’au déclenchement d’une véritable confrontation militaire. En résumé, il s’agirait de « gagner la guerre avant la guerre » pour reprendre l’expression du général Thierry BURKHARD (2).

C’est dans cette perspective de nouvelles conflictualités que la journaliste Alexandra SAVIANA s’est intéressée aux scenarii actuellement à l’étude au sein des états-majors. Les scénarios noirs de l’armée française passent en revue onze situations qui, sans tenir de la science-fiction, projettent nos armées dans un futur proche (à l’horizon de l’année 2030) à partir de contextes géopolitiques déjà existants. Du Maghreb à l’espace en passant par la Turquie, Taïwan, les États baltes, Madagascar… l’auteur a consulté 106 experts dont des officiers de haut rang afin d’éclairer onze menaces particulièrement crédibles qui, si différentes soient-elles les unes des autres, seraient de nature à déstabiliser profondément notre pays soit en le mettant au bord d’un conflit mondial, régional, voire civil, soit en l’amputant d’une partie de sa souveraineté… Chaque menace envisagée repose sur une situation géopolitique bien réelle qui dégénèrerait. Dans certains cas de figure, la crise débuterait directement sur des parties du territoire français (îles Éparses, Nouvelle-Calédonie), pour d’autres elle s’amorcerait dans des pays étrangers mais avec des implications immédiates pour notre pays du fait d’alliances ou d’influences hostiles de la part d’acteurs locaux ou d’États puissances. Toutes ces menaces ont un dénominateur commun à savoir une remise en cause de notre rôle à l’échelle régionale, mondiale, voire de notre souveraineté. Dans tous les cas, nos forces armées seraient placées dans des situations capacitaires critiques.

Si l’outil militaire n’est pas le seul volet de la réponse face à une crise internationale, il demeure cependant indispensable et incontournable pour peser dans un rapport de force et dissuader. Or, l’armée française actuelle est-elle en capacité de dissuader à tous les étages du spectre des menaces ? Comment peut-elle se préparer à une éventuelle crise – voire à un conflit – dans un environnement géopolitique complexe dont les tensions hautement inflammables ne peuvent plus être décorrélées de graves crises sécuritaires et intérieures à la vie du pays. Le cauchemar pourrait ainsi avoir plusieurs visages : celui d’une conjonction entre un conflit extérieur télescopant une crise intérieure, celui d’un conflit international s’invitant sur la scène intérieure, ou bien celui d’une faiblesse intérieure déclenchant opportunément une crise internationale.

Au fond, ce qui traverse en filigrane l’ouvrage d’Alexandra SAVIANA est moins l’idée de la faiblesse de nos armées que celle de la société qu’elles ont à défendre. Derrière la mutation en cours de notre outil militaire et des inévitables questions budgétaires que cela pose, la journaliste conclut sur le point de loin le plus essentiel à savoir notre volonté de nous défendre. C’est ici que l’enjeu de la guerre cognitive apparaît. Si un chapitre du livre lui est spécifiquement consacré (scénario 10), on comprendra également que la menace dans le champ cognitif traverse tous les cas abordés. Plus que jamais rendue possible avec la dilatation du champ informationnel interconnecté et la montée en puissance des intelligences artificielles, cette guerre qui se mène dorénavant dans les esprits a pour objectif de miner les modèles culturels et politiques, de transformer les perceptions, de déplacer les centres d’intérêt et d’affaiblir les forces morales de la Nation. C’est, in fine, la résilience de la société – pour ne pas dire l’Esprit de Défense avec d’autres mots – qui est directement questionnée.

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Scénario 1 – La guerre éclate entre le Maroc et l’Algérie avec pour conséquence une intensification des flux migratoires en Méditerranée. L’importance des communautés algérienne et marocaine sur notre sol importe aussitôt le conflit dans l’Hexagone. En fait, c’est toute la région sahélienne qui est déstabilisée avec des organisations djihadistes qui, désormais, ne sont plus contenues aux frontières des deux pays maghrébins. L’Algérie, qui subit des revers militaires, est la plus exposée par ce regain de la menace islamiste. En guise d’échappatoire, et sous influence russe, le pouvoir algérien fait alors le choix d’une politique de plus en plus agressive à l’encontre de la France.

Scénario 2 – Une offensive aérienne israélienne contre les installations nucléaires iraniennes déclenche un embrasement régional. La guerre s’étend immédiatement au Liban où le Hezbollah prend en otage une FINUL impuissante armée par 700 militaires français. Les cyberattaques s’intensifient contre les puissances occidentales, des prises d’otages ont lieu et l’Iran soumet le détroit d’Ormuz à un blocus qui déclenche des affrontements avec les marines occidentales (dont la France). Accaparés par une campagne présidentielle, les Etats-Unis restent en retrait et laissent Oman et l’Arabie Saoudite jouer les bons offices. Incapable de peser, la France perd son influence dans cette région du monde.

Scénario 3 – Alors que la guerre en Ukraine semble gelée, l’élection à la présidence de Donald TRUMP, en novembre 2024, change la donne stratégique au coeur de l’Europe. La nouvelle administration américaine normalise ses relations avec Moscou et prend la décision de retirer l’armée américaine du théâtre européen au profit du théâtre asiatique. Cette dévitalisation de l’OTAN pose plus que jamais la question d’une Europe de la défense et de son autonomie stratégique qu’aucun pays de l’UE n’est alors en mesure d’assurer à commencer par la France qui apparaît comme une « une petite joueuse ». La Russie pousse son avantage en déstabilisant les États baltes par des flux migratoires en provenance de Biélorussie, et en fomentant un coup d’État en Moldavie. Au nom de la défense des minorités russes opprimées, Moscou finit par envahir les États baltes et déclenche un conflit direct avec l’OTAN. D’abord en retrait les Etats-Unis sont contraints d’intervenir face à une situation de plus en plus hors de contrôle. L’OTAN se resoude et les revers militaires amènent Moscou à franchir le seuil de l’emploi des armes nucléaires tactiques. Une révolte politique est sur le point d’éclater à Moscou.

Scénario 4 – La mort du dirigeant biélorusse Alexandre LOUKACHENKO ouvre une période de vacance du pouvoir qui est une opportunité pour l’opposition démocratique. Celle-ci se heurte cependant à une répression de plus en plus dure de la part du successeur de LOUKACHENKO. Les pays de l’UE soutiennent cette opposition et l’aident à se structurer mais Moscou intervient pour soutenir le pouvoir biélorusse. C’est une véritable guerre civile qui débute provoquant des flux de réfugiés vers la Pologne. Les Etats-Unis ne veulent pas s’engager dans une crise et laissent les Européens, notamment la France (nation-cadre de l’OTAN en Roumanie), en première ligne. À la tête d’une coalition, la France est contrainte de renforcer ses moyens militaires aux frontières même de la Russie alors qu’un gouvernement de transition biélorusse est proclamé et que la Russie déploie désormais des armes nucléaires sur le territoire biélorusse.

Scénario 5 – Revendiquant l’archipel des îles Éparses, Madagascar utilise l’influence chinoise contre la France. Un accord entre Antananarivo et Pékin permet désormais l’intrusion de bâtiments militaires chinois dans notre ZEE comme ils le font en Mer de Chine. La faiblesse de la présence militaire française dans la région est accentuée par un travail d’influence qui divise l’opinion publique française sur le thème du « colonialisme ». Contrainte à un statu quo qui l’oblige à partager de facto la ZEE des îles Éparses avec Madagascar, la France voit aussi l’Île Maurice voisine profiter de la situation pour remettre en cause le statut de Tromelin qu’elle revendique également.

Scénario 6 – La fin de l’opération Barkhane et le désengagement militaire français qui s’ensuit plonge une partie du continent africain dans le chaos. L’arrivée au pouvoir d’une junte militaire malienne anti-française produit un effet domino qui s’étend rapidement à d’autres pays voisins : Burkina-Faso, Niger, Côte d’Ivoire… Surtout, le retournement de l’allié tchadien entraîne aussi celui du Sénégal. Ce sont tous les points d’appui historiques de la France en Afrique qui disparaissent en moins de dix ans, avec un changement de paradigme à la clé : d’une collaboration occidentale avec des États africains cherchant à endiguer le djihadisme, on passe à des juntes militaires sous influence russe qui désormais pactisent localement avec les organisations djihadistes. Les uns comme les autres privilégient des intérêts locaux rendant cette vaste partie de l’Afrique incontrôlable. Russes et djihadistes se combattent sur fond de désoccidentalisation et résurgence d’un califat.

Scénario 7 – La Chine entre en guerre contre les Etats-Unis et leurs alliés au sujet de Taïwan. Cet embrasement régional est précédé d’une déstabilisation du Moyen-Orient qui commence par une flambée du prix des hydrocarbures. Alors que le choc pétrolier plonge les pays européens dans des difficultés économiques, sociales et politiques, Pékin joue de son contrôle sur la dette djiboutienne, pour demander la fermeture de la base française sur son sol. La déstabilisation de la position stratégique française au Moyen-Orient se conjugue avec les difficultés européennes et l’inquiétude des pétromonarchies face à l’Iran. Washington est obligé de réinvestir des moyens militaires, notamment navals, au Moyen-Orient. C’est le moment attendu par Pékin pour lancer une offensive éclair sur Taïwan. Alors que les Etats-Unis tentent de gagner du temps pour organiser une coalition, les Européens se contentent de sanctions économiques. La France qui dispose d’une marine océanique et a des intêrêts régionaux en Asie-Pacifique subit des pertes. En tentant un blocus des routes du pétrole à destination de la Chine dans le Golfe Persique, le porte-avions Charles-de-Gaulle est attaqué et gravement touché.

Scénario 8 – Les tensions entre la Grèce et la Turquie aboutissent à un conflit lorsque cette dernière prend la décision d’envahir des îlots grecs inhabités en Mer Égée. L’action, plus symbolique que stratégique, ouvre une crise au sein de l’OTAN et de l’UE. La France, liée à la Grèce par un accord de défense bilatéral, devient la nation-cadre d’une coalition destinée à défendre les intérêts d’Athènes. La confrontation avec la Turquie est d’abord aéronavale mais elle se solde par des pertes sensibles face à une armée turque puissante.

Scénario 9 – Alors qu’un puissant cyclone frappe les Antilles françaises et mobilise les forces armées ainsi que la sécurité civile, un deuxième cyclone tout aussi dévastateur frappe, quelques jours plus tard, la Nouvelle-Calédonie. Les infrastructures sensibles sont paralysées sur la grande île, et la population locale ne peut recevoir une aide déjà engagée de l’autre côté de la planète. La situation dégénère rapidement et ouvre la porte aux influences étrangères : australienne, néo-zélandaise et, surtout, chinoise. S’appuyant sur la proximité des îles Salomon avec lesquelles elle est liée par un accord de coopération, la Chine profite du climat insurrectionnel pour encourager – avec des actions d’influence – les revendications kanakes à l’indépendance. Dans le même temps, elle exerce une autre influence sur Djibouti pour faire fermer la base militaire française qui s’y trouve. Poussé dans ses retranchements, Paris finit par organiser un référendum où c’est le « oui » à l’indépendance qui l’emporte contre toute attente mais d’une courte tête. La France est quasiment évincée de l’Indo-Pacifique.

Scénario 10 – Un scénario qui étudie les effets d’une guerre cognitive sur les moyen et court termes à l’occasion d’une élection présidentielle. Alors que l’opinion publique française est « modelée » depuis des mois – voire des années – dans un champ informationnel exposé aux infox (fake news/deep fake), les réseaux sociaux perturbent gravement la communication des différents candidats à l’approche des scrutins. Dans le même temps, le pays fait l’objet de cyberattaques agressives (infrastructures, pillages de données…) qui entretiennent des troubles et une inquiétude sociale permanente. L’ingérence de la Russie et de la Chine sont désignées.

Scénario 11 – Un exercice interallié avec les Etats-Unis, vécu comme une provocation par Pékin, déclenche un incident dans l’Himalaya entre militaires indiens et chinois. Cet incident dégénère en un véritable conflit dans lequel la France se retrouve – du fait de son partenariat militaire avec New-Delhi – en première ligne. Plutôt que d’affronter directement les Etats-Unis, la Chine décide de frapper le maillon faible à savoir les Européens dont la France au premier rang. L’offensive vient de l’espace où les constellations de satellites français et européens sont aveuglées ou détruites par un programme militaire spatial chinois mis en place depuis plusieurs années déjà. Le scénario met ainsi en avant la course à la puissance militaire spatiale que les Chinois entreprennent depuis des décennies avec d’importants moyens. Le moment venu, ils sont en mesure de plonger la France et les autres pays européens dans une « nuit informationnelle ». Si les États-Unis aident à rétablir provisoirement les communications satellitaires, l’Europe spatiale dépend désormais d’opérateurs privés non-européens (3).

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Cf. En 2020, l’Agence de l’Innovation de la Défense (AID) a mis sur pied une équipe d’auteurs de science-fiction dont le travail est d’imaginer les seuils de rupture technologique, les « capacités militaires disruptives » ainsi que les menaces qui en découleraient pour les conflits à venir jusqu’à l’horizon des années 2090. Cette Red Team est co-pilotée par l’État-Major des Armées (EMA), la Direction Générale de l’Armement (DGA) et la Direction Générale des Relations Internationales et Stratégiques (DGRIS). Sans entrer dans cette conceptualisation, davantage tourné vers les pratiques stratégique et tactique, le wargaming fait aussi l’objet d’une redécouverte depuis ces dix dernières années. Il s’impose désormais comme un véritable outil de formation, de planification, et de prospection pour le commandement. Institutionnalisé au sein du CICDE de l’École militaire, il est mis en œuvre par une Cellule Jeu de Guerre du Commandement du Combat Futur.

Cf. MINARM [en ligne], « La vision stratégique du chef d’état-major des armées » [consulté le 8 juillet 2024]. Disponible sur https://www.defense.gouv.fr/ema/chef-detat-major-armees/vision-strategique-du-chef-detat-major-armees-fresgb

Cf. On pensera notamment au rôle joué par l’entreprise Starlink d’Elon MUSK dans la guerre en Ukraine.

Nghia NGUYEN
Professeur agrégé au Lycée Jean Monnet (Cognac)
Auditeur IHEDN – 180e promotion Cardinal de Richelieu

À l’assaut des murailles

Compte rendu de lecture de HABEREY (Gilles), À l’assaut des murailles. Les villes au coeur de la bataille, des hauteurs de Syracuse aux faubourgs de Mossoul, Paris, Éditions Pierre de Taillac, 2024, 288 p.

Parce qu’elles sont par définition des lieux de concentration des pouvoirs politiques, économiques et culturels, parce qu’elles sont aussi des carrefours structurants pour des espaces géographiques plus vastes, les villes ont toujours été au coeur des conflits.
Très tôt dans l’Histoire elles se protègent avec l’érection de remparts et la poliorcétique – l’art d’assiéger les villes fortifiées – naît dès l’Antiquité. Les premiers récits de sièges apparaissent dans l’Iliade (Troie, VIIIe siècle av. JC) et la Bible (Jéricho, VIIe siècle av. JC) et c’est au IVe siècle av. JC qu’est rédigé le premier traité de Poliorcétique par Énée le Tacticien.

Bataille dans la bataille lors de l’offensive du Têt Mau Than (1968), la bataille de Hué fut la grande bataille urbaine de la Guerre du Vietnam et de la Guerre froide. À ce titre, elle est fondatrice d’une véritable doctrine en la matière pour l’US Army (source – Dotation Catherine Leroy)

C’est ce sujet des « villes au coeur de la bataille » qu’aborde Gilles HABEREY dans un ouvrage clairement construit, qui passionnera les amateurs d’histoire militaire.
Saint-Cyrien, fantassin, ayant effectué de nombreuses OPEX, le général HABEREY travaille, aujourd’hui, au Service Historique de la Défense (SHD).
Féru de tactique (1), il nous présente un livre qui se lira en complément de L’ultime champ de bataille de Frédéric CHAMAUD et Pierre SANTONI (2).

Qu’ils soient asymétriques ou non, les conflits contemporains montrent que les villes sont, plus que jamais, des objectifs militaires à part entière. Des objectifs soit à protéger, soit pour s’y retrancher, soit à prendre. Cela est d’autant plus vrai que le monde actuel est un monde métropolisé et de régions urbaines où plus de la moitié de l’Humanité est désormais citadine. De la bande de Gaza à l’Ukraine en passant par la Syrie et d’autres lieux de confrontations, les espaces urbains sont des enjeux tactiques et stratégiques incontournables. Le combat urbain est donc un type de combat d’infanterie à part entière, et les armées modernes s’y entraînent spécifiquement à partir de sites particulièrement dédiés.

Le combat urbain est d’autant plus spécifique qu’aucune ville ne se ressemble.
Chacune demeure un produit culturel complexe avec une population qu’il faut intégrer dans la planification du siège. Si le dernier mot restera toujours à l’infanterie du fait de la nature du milieu urbain (bâti, densité de population, cloisonnement des secteurs, absence d’horizon et de vision dans la profondeur, prolongement souterrain du champ de bataille…), le combat urbain contemporain nécessite une intégration poussée des armes et des armées jusqu’à l’échelon de la compagnie. La coordination avec l’aviation de bombardement, les avions pilotés à distance de type Reaper et les hélicoptères de combat doit être particulièrement précise (3) du fait de l’imbrication des forces amies et ennemies. Au sol, il en sera de même avec les frappes d’artillerie. Au coeur des combats, l’infanterie devra pouvoir opérer avec le soutien de chars de combat qui joueront le rôle d’artillerie mobile rapprochée, celui d’éléments du Génie combat et toute la palette des drones et munitions rôdeuses.

La complexité du combat urbain que renforce l’évolution des armements et des technologies ne fait pas pour autant disparaître des spécificités historiques et tactiques que le général HABEREY nous présente à travers une typologie de sièges de l’Antiquité à nos jours. L’auteur organise ainsi chaque chapitre autour d’un certain nombre de batailles urbaines analysées selon une même grille thématique quel que soit le siècle. Chaque bataille est ainsi présentée selon 1- un contexte historique général qui précède et justifie la confrontation 2- les forces en présence et leurs intentions 3- le déroulement de la bataille urbaine en tant que telle et 4- un retour d’expérience tactique. Surtout, la réflexion s’articule autour de sept grands principes tactiques :

  • « Couper le cordon ombilical » – À travers les sièges d’Orléans (1429), de La Rochelle (1627-1628) et Vienne (1683), l’auteur montre que la ville n’est pas un ensemble isolé mais qu’elle participe d’un système économique plus large avec un arrière-pays. C’est ce système qu’il faut continuer à faire fonctionner pour la survie de l’ensemble urbain si l’on est le défenseur ou, au contraire, qu’il faut asphyxier si l’on est l’assiégeant. Pour ce dernier, les moyens à mobiliser sont donc considérables car il faut à la fois être capable d’investir la ville mais aussi être capable de se protéger d’une force de secours ennemie extérieure au périmètre urbain.
  • « Savoir gérer le temps » – À travers les sièges de Québec (1759), de Vicksburg (1862-1863), de Metz (1870), on comprendra qu’un siège est d’abord l’affrontement de deux logiques temporelles (et opérationnelles) essentiellement différentes. Pour l’assiégeant, la bataille devra être la plus courte possible afin d’être la moins coûteuse humainement et matériellement. Pour l’assiégé c’est l’inverse à pouvoir tenir le plus longtemps possible en épuisant l’assiégeant. Ce principe de la gestion du temps demande, donc, de part et d’autre une capacité d’anticipation. Pour le premier, il faudra préparer la ville à un long siège (amélioration des moyens de défense, constitution de stocks…) alors que le second devra faire converger des forces importantes et créer les conditions favorables à l’assaut avant le siège proprement dit.
  • « Percer le système défensif » – Les exemples de Syracuse (213-212 av. JC) et Saint-Jean-d’Acre (1291) illustrent la supériorité de la défense sur l’attaque. La première se matérialise par des fortifications qui témoignent de la connaissance du terrain et de l’anticipation tactique qui en découle ; celle-ci faisant gagner du temps à l’assiégé tout en lui permettant de sanctuariser un espace en arrière de la ligne des murailles. En revanche une fois ces dernières percées, le rapport de force devient très rapidement favorable pour l’attaquant.
  • « Frapper au coeur de la ville » – Les assauts de Carthage (149-146 av. JC), Tenochtitlan (1521) et Saragosse (1808-1809) sont représentatifs de prises urbaines où l’assaillant – désirant éviter les coûteuses longueurs d’une ville décidée à résister – cible prioritairement des points névralgiques de nature à démoraliser l’ennemi et à faire cesser toute résistance. Ces points peuvent être symboliques (palais, bâtiments politiques ou religieux) comme réellement stratégiques (poste de commandement, infrastructures vitales…).
  • « Nettoyer les écuries » – Les batailles d’Aix-la-Chapelle (1944), de Nahr el-Bared (2007) et de Mossoul (2016-2017) constituent des exemples de sièges où la bataille urbaine se remporte moins par l’encerclement de la ville que par la lutte méthodique qu’il faut y livrer intra-muros et quartier par quartier. L’enjeu est d’éviter la prise au piège de l’assaillant dans la ville même du fait de la multiplicité de poches de résistance résurgentes. Dans cette configuration, il n’y a plus de grandes manœuvres et encore moins d’originalité. La progression se fait selon un axe général, de manière lente et demande beaucoup de troupes et de munitions.
  • « Conserver l’ascendant moral » – Ce chapitre illustre l’idée prêtée à THUCYDIDE et PLATON selon laquelle ce sont davantage les hommes que les murailles qui participent à la défense de la Cité. Avec les exemples de Malte (1565), de Singapour (1942) et de Hué (1968), l’auteur met en avant l’importance capitale des forces morales dans ce type de combat. Celles-ci sont non seulement abordées à travers la confiance accordée au chef, sa compétence comme l’attention qu’il accorde aux pertes, mais aussi à travers l’idée que les défenseurs se font de la cause pour laquelle ils se battent, surtout lors d’un rapport de force déséquilibré.
  • « Ne pas se laisser hypnotiser » – Les sièges de Pékin (1900) et de Stalingrad (1942-1943) sont des exemples caractéristiques d’inversion de situation où l’assiégeant devient assiégé parce que ses analyses stratégique et tactique se sont confondues. Par sa dimension symbolique (notamment au plan politique), la ville peut constituer un abcès de fixation à un moment donné d’une campagne, faisant ainsi perdre de vue à l’assaillant son objectif stratégique. La bataille de Stalingrad est, dans ce cas de figure, emblématique. En focalisant sur la ville de STALINE au détriment des objectifs initiaux du plan Fall Blau, HITLER sacrifie une vision stratégique globale qui permet à l’Armée rouge de renverser la situation.

À l’assaut des murailles est donc un ouvrage d’histoire militaire dont la vocation est aussi de fournir des éléments de doctrine tactique en matière de guerre urbaine. Clair, synthétique et bien écrit, le livre du général HABEREY se lit facilement.
On pourra y regretter, cependant, l’absence d’un chapitre sur les batailles de Grozny (1994-1995/1999-2000) et de Falloudja (2004).

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  1. Cf. HABEREY (Gilles) et PEROT (Hugues), L’art de conduire une bataille. Les tactiques des plus grands stratèges de la bataille de Cannes à la Guerre du Golfe, Paris, Éditions Pierre de Taillac Éditions, 2016, 272 p.
  2. Cf. CHAMAUD (Frédéric) et SANTONI (Pierre), L’ultime champ de bataille. Combattre et vaincre en ville, Paris, Éditions Pierre de Taillac, 2016, 230 p.
  3. Cf. Notamment avec l’utilisation de Joint Terminal Attack Controller (JTAC). Les JTAC sont des contrôleurs aériens dont la mission est d’assurer le soutien aérien rapproché des troupes amies au sol (CAS ou Close-Air Support). Concrètement, il s’agit de guider les frappes aériennes de manière chirurgicale à quelques centaines de mètres (voire dizaines de mètres) d’unités amies. Normalement situés en retrait, les JTAC restent cependant engagés directement sur le champ de bataille et sont exposés.

Nghia NGUYEN
Professeur agrégé au Lycée Jean Monnet (Cognac)
Auditeur IHEDN – 180e promotion Cardinal de Richelieu

Dissuasion nucléaire française en 2024

Certitudes et questionnements.

Général (2S) Jean-Claude Rodriguez

La dissuasion nucléaire constitue aujourd’hui l’un des leviers d’action des grandes puissances. Elle offre à un État cette liberté fondamentale de pouvoir agir seul sur les évènements majeurs qui peuvent compromettre sa Survie. 

Elle est au cœur de notre politique de Défense depuis plus de 66 ans.

L’année 2024 est marquée par une guerre de haute intensité en Europe avec le conflit Russo-ukrainien, une crise grave au proche orient pouvant déboucher sur une conflagration entre Israël et  l’Iran et des tensions en mer de Chine entre les États-Unis et la Chine .

Au vu de ces évènements préoccupants, il est légitime de se s’interroger sur la qualité de notre stratégie de Défense centrée sur la Dissuasion nucléaire.

Dissuader, c’est faire renoncer quelqu’un à une action. Il y a toujours dans le concept de dissuasion une cible, celui qu’on veut dissuader, et un objectif, l’intention qu’on souhaite qu’il abandonne. C’est une dialectique d’influence.

Si l’on veut dissuader quelqu’un qui nous veut du mal, il faut le convaincre que son projet est vain, car il va subir plus de pertes qu’il ne va obtenir de gains. 

Il faut le menacer d’une rétorsion dont le coût sera pour lui certain et insupportable. 

La dissuasion au sens militaire du terme prend la forme d’une menace de l’emploi sans retenue de la force armée, de l’utilisation des moyens militaires les plus dévastateurs.

On peut être dissuasif avec des moyens conventionnels, tout dépend de la balance des forces en présence. Mais la puissance de l’arme nucléaire et ses capacités de destruction sont tellement démesurées qu’elles surpassent tout moyen conventionnel. Le risque pour un agresseur d’être l’objet d’une riposte nucléaire est une perte exorbitante, irrémédiable. Dès lors un État, même faible, mais détenteur de l’arme nucléaire, peut en imposer à une plus grande puissance. D’où l’intérêt majeur de disposer de cet atout.

Mais la détention d’armes nucléaires ne suffit pas. La stratégie de dissuasion nucléaire doit respecter quelques principes.

Elle s’exerce dans le cas d’une menace majeure des intérêts vitaux de l’État visé, quelle qu’en soit la nature. Le périmètre du « vital » n’est pas défini. 

Il reste à l’appréciation du chef de l’État de manière à placer le candidat agresseur dans l’incertitude des limites à ne pas franchir.

La dissuasion nucléaire exige la création et le maintien de capacités techniques et opérationnelles. 

Pour une puissance moyenne comme la France il est inutile et ruineux de se lancer dans une course aux armements, il faut et il suffit :

  • de disposer d’une force nucléaire invulnérable (discrétion, réactivité, agilité) avec au moins deux composantes de natures différentes capables de riposter indépendamment ou en coordination en cas d’agression ;
  • d’être en mesure de franchir les défenses adverses quels que soient leurs progrès. (variété des trajectoires, hypervélocité, manœuvrabilité, furtivité, leurrage, saturation par le nombre) ;
  • de démontrer régulièrement la réalité opérationnelle des forces nucléaires et de leurs capacités de déploiement et de frappe (essais, tirs d’évaluation, exercices du type Poker et Banco pour les FAS)Nota. L’abandon des essais nucléaires en Polynésie française depuis 1996 est désormais compensé par un programme de simulation validé par des tests en laboratoire sur le territoire national ;
  • d’assurer la permanence de la menace d’emploi. Elle est assurée par le chef de l’État disposant 24h/24 des codes et des moyens de transmission aux forces stratégiques aériennes en veille et aux sous-marins en patrouille. La robustesse des communications est vitale ainsi que les règles de dévolution.

La France a toujours préservé l’avenir en maintenant un effort en cohérence avec l’évolution du contexte géostratégique selon le principe de la « juste suffisance ».

Depuis Charles de Gaulle, chaque Président de la République a mis en exergue la nécessaire défense des « intérêts vitaux » nationaux et veillé à adapter le concept dissuasif et les moyens.

À l’issue de la guerre froide, sous le mandat de Jacques Chirac, élu en 1995, la France a notamment décidé, de faire évoluer son outil de dissuasion de telle sorte qu’il constitue une menace crédible contre tout État hostile doté d’armes de destruction massive nucléaires ou non.

Il s’agit :

  • d’une part « de garantir que la survie de la France ne sera jamais mise en cause par une puissance militaire majeure» ;
  • d’autre part « de faire face aux menaces que pourraient faire peser sur nos intérêts vitaux des puissances régionales dotées d’armes de destruction massive. »

La France doit pouvoir priver un ennemi de tout ou partie de ses centres de pouvoir, qu’ils soient politiques, militaires ou économiques. 

Ce concept et l’architecture des forces nucléaires françaises qui en résulte sont confirmés par Nicolas Sarkozy (Livre Blanc 2008) puis François Hollande (Livre Blanc 2013) :

  • la première composante est océanique. Avec les SNLE de nouvelle génération et des missiles balistiques plus puissants, la France accroît très sensiblement l' »allonge » de sa dissuasion qui devient tous azimuts ;
  • la seconde composante, aéroportée (Mirage 2000N, puis Rafale,), est équipée d’un missile Air-Sol très rapide et pouvant voler à basse altitude. Elle peut être mise en œuvre depuis des bases aériennes et du porte-avions Charles-de-Gaulle. 

Elles sont complémentaires.

Au fond des mers, discret et indétectable, le SNLE est en effet d’abord l’arme de la frappe en second. C’est la dilution dans les océans et la portée des vecteurs qui permet de garantir l’invulnérabilité et la menace d’une frappe massive sur un adversaire potentiel ( une salve de SNLE français c’est près de 100 têtes nucléaires indépendantes). Le système de ciblage est suffisamment souple et performant pour effectuer aussi des tirs sélectifs et précis.

La composante aérienne offre une capacité de gesticulation discrète ou au contraire ostentatoire grâce à une grande souplesse de déploiement lors des phases de montée en crise. Enfin elle peut être mise en vol et rappelée selon de nombreux scenarios qui complexifient pour l’adversaire la conduite à tenir. Son allonge est sans cesse améliorée par le ravitaillement en vol et par la portée et la capacité de  pénétration des vecteurs.

Dans un contexte international très tendu le Président Macron a, quant à lui, fait adopter la loi de programmation militaire 2024-2030. Elle prévoit 413 milliards d’euros de dépenses sur sept ans. Le budget des armées passera de 32,2 MDS en 2017 à 67,4 MDS d’euros en 2030. Soit un quasi doublement.

La période considérée est présentée comme une époque charnière pour la Dissuasion nucléaire avec l’entrée en service de l’ASMPA-R, la préparation de l’ASN4G, les travaux sur le successeur du Rafale (SCAF), et des développements importants concernant le sous-marin de troisième génération permettant son lancement entre 2030 et 2040 .

En plus de la part annuelle « dissuasion nucléaire » aux alentours de 6 MDS d’euros par an, environ 10 MDS d’euros sur la période, concerneront les innovations pour contrer les évolutions technologiques qui pourraient grever l’efficacité opérationnelle voire la survie de nos forces nucléaires. 

Il s’agit notamment : d’intelligence artificielle, d’hypervélocité, de moyens de guerre électronique, de communications, de discrétion et de furtivité. 

Il faut rajouter sur la période également 6 MDS d’euros consacrés au domaine spatial qui concerne surtout l’acquisition du renseignement et la préservation de nos moyens spatiaux essentiels pour l’analyse de la menace et le ciblage. 

C’est enfin et surtout la poursuite du programme : « Simulation » destiné à permettre le maintien en condition et la sureté des armes nucléaires et leur éventuel remplacement depuis que la France a signé le traité d’interdiction complète des essais nucléaires TICE en 1996.

L’aboutissement de ces évolutions c’est l’existence pérenne pour au moins encore 30 ans de deux composantes complémentaires l’une aérienne démonstrative, l’autre sous-marine furtive et discrète, avec un nombre de têtes nucléaires limité à 300.

Alors que nous entrons à l’ère du troisième âge nucléaire et qu’après 25 années de réduction du format des armées, la France voit son avantage technologique conventionnel s’éroder rapidement, la Dissuasion nucléaire reste pour la France un atout majeur pour la crédibilité  de son indépendance et de sa souveraineté défensive.

Ce nouvel âge nucléaire est principalement marqué par l’irruption de la Chine dans la bataille pour accéder au leadership mondial avec la forte croissance de son arsenal nucléaire(actuellement estimé à 1500 têtes nucléaires en 2035). 

Ce troisième âge est également marqué par la multiplication de puissances régionales révisionnistes et proliférantes comme la Corée du nord et l’Iran. 

Se profilent déjà d’autres États comme l’Arabie Saoudite et la Turquie qui s’ajouteront à l’Inde et au Pakistan. 

Le comportement déstabilisant récent de pays dotés est une autre caractéristique de cette période qui débute. La dissuasion agressive est ainsi un dévoiement de la théorie de la Dissuasion. Alors que cette dernière avait au début de l’histoire pour objectif d’inhiber les velléités d’éventuels agresseurs et de préserver la paix nous avons sous les yeux deux exemples de rupture de l’équilibre mondial sous couverture nucléaire.

Dans le conflit ukrainien l’intégration de la Crimée et des républiques du Donbass sous drapeau russe s’est produite après une récupération par des forces nationalistes locales soutenues par la Russie et des referendums contestés. 

Étant considérés par Poutine comme faisant désormais partie du territoire russe, ces prises de guerre sont associées aux intérêts vitaux de la Russie et placées sous son parapluie nucléaire. L’annexion a donc été réalisée sans véritable opposition des occidentaux et de l’OTAN bridés par l’éventualité d’une escalade nucléaire. 

Le même mécanisme est mis en œuvre par la Chine dans son environnement immédiat qu’elle met sous son contrôle en installant des infrastructures civiles et militaires sur des ilots inhabités de la mer de Chine. Cette territorialisation permet la revendication de la souveraineté sur les eaux territoriales contiguës et in fine de considérer cette zone maritime comme une mer intérieure chinoise . 

Quel État de la région ne disposant pas de moyens nucléaires dispose de  la capacité de contester cette appropriation ?

L’arme nucléaire reste donc en ce 21e siècle l’Alpha et l’Omega des relations internationales et des rapports de puissance.  

Si la Dissuasion nucléaire française est l’assurance survie de la nation, la sécurité de la France dépend aussi de celle de ses voisins.

Or, la sécurité des autres pays européens repose essentiellement aujourd’hui sur l’assurance que procurent l’Alliance Atlantique et la puissance des États-Unis.

Cette garantie est remise en cause par les déclarations du candidat Donald Trump qui menace de se retirer de l’OTAN si les pays européens ne participent pas plus à son financement. Ces menaces ne sont pas à prendre à la légère car elles font suite à la crise survenue en 2018 au sommet de l’OTAN lorsque Donald Trump, Président des États-Unis en activité était à deux doigts de claquer la porte. Cet épisode est rapporté en détail par son conseiller en sécurité nationale de l’époque, John Bolton.

Si les États-Unis quittent l’OTAN ou même s’ils restent mais n’appliquent pas les termes du traité et notamment de l’article 5, le parapluie nucléaire des États-Unis ne protégera plus les pays européens ce qui créera une situation nouvelle en ce qui concerne la sécurité stratégique du vieux continent. 

Certains géopoliticiens imaginent par exemple que Poutine aurait l’ambition de recréer l’empire russe. Les pays baltes, en premier, seraient en danger. 

Une ère de déstabilisations multiples pourrait alors s’ouvrir.

Quel système de sécurité faudrait-il créer en Europe en dehors des États-Unis ?

Quelle place la France, seule puissance nucléaire du continent devrait-elle avoir ? 

Ce débat a été relancé par le Président, Emmanuel Macron. 

Dans son discours sur la « Stratégie de de Défense et de Dissuasion » prononcé le 7 février 2020 à l’École Militaire il a rappelé, comme d’ailleurs l’avaient fait ses prédécesseurs (Mitterrand en 1994, Chirac en 1996 et 2006, Sarkozy en 2008, Hollande en 2015) que les intérêts de la France et ceux de nos partenaires européens sont de plus en plus imbriqués au fur et à mesure de la construction européenne et de la multiplication des traités. Il leur a également proposé de participer à un dialogue stratégique avec la France pour évoquer le rôle de la Dissuasion française dans le contexte européen

Plus tard, en 2023, lors de la conférence de Munich sur la sécurité le chef de l’État a réitéré son offre « d’un dialogue sur la dissuasion nucléaire française et la conception qu’a la France de la dimension européenne de ses intérêts vitaux ». 

Au cours de sa visite d’État en Suède fin janvier 2024, dans un discours à l’université de défense suédoise, le Président de la République a réaffirmé : « une partie de nos intérêts vitaux ont une dimension européenne » ce qui, je cite encore « confère une responsabilité spéciale à la France ». 

Enfin ,dans un entretien accordé vendredi 26 avril 2024 à de jeunes Européens et publié dans la presse régionale, Emmanuel Macron est revenu sur ce thème récurrent et extrêmement sensible de la sécurité européenne : 

« Je suis pour ouvrir ce débat qui doit donc inclure la défense antimissile, les tirs d’armes de longue portée, l’arme nucléaire pour ceux qui l’ont ou qui disposent sur leur sol de l’arme nucléaire américaine. Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible », a-t-il déclaré, ajoutant que la France garderait « sa spécificité mais est prête à contribuer davantage à la défense du sol européen ».

Mais ces ouvertures de la France sur l’Europe n’ont pas suscité l’engouement de ses partenaires européens qui préfèrent s’en remettre à l’allié américain sans vraiment être sûr que ce dernier ira jusqu’au bout de son engagement si le risque est trop important pour lui.

En Conclusion, nous sommes devant un changement potentiel de paradigme. 

Quelle réalité peut-on donner à cette vision où, en fait, la France remplacerait les États-Unis comme puissance nucléaire exerçant une dissuasion nucléaire étendue au profit des états de l’Union européenne ? 

Dans quelles conditions la clause de défense mutuelle inscrite en 2008 dans le traité de Lisbonne qui stipule à l’article 42 paragraphe 7 que les pays de l’Union européenne sont obligés d’aider un État membre si celui-ci est l’objet « d’une agression armée sur son territoire » impliquerait nos forces nucléaires ? 

Dans quelles conditions et par qui serait conduite la manœuvre dissuasive. 

Qui appuierait sur le bouton ?

Le règlement de ces questions n’est pas pour demain compte tenu de l’absence de consensus ni de volonté européenne.

La Dissuasion nucléaire française constituera donc encore longtemps le cœur de notre Défense Nationale. Son européanisation ne parait pas envisageable à court ni moyen terme. 

Mais peut-être faudrait-il s’interroger sérieusement sur l’après 2040.

Général (2S) Jean-Claude RodriguezRochefort, le 21 mai 2024

LE RALLYE CITOYEN 2024 EN CHARENTE

Hooah !

Alors que nous nous apprêtons à commémorer le 80e anniversaire du D-Day et de la Libération (été 1944-été 2024), c’est avec le cri de guerre de l’US Army que Matis, Agathe, Théo, Lise, Basile, Nolann, Marius et Mathéo se sont lancés dans le rallye citoyen, ce mercredi 15 mai, en tant que nouveaux ambassadeurs du Lycée Jean Monnet.

Tardive par rapport aux précédents rallyes, cette quatorzième édition n’a pourtant pas profité du « joli mois de mai » attendu. C’est, en effet, dans une atmosphère de fraîcheur et sous de fortes averses épisodiques que les élèves de 2nde du Lycée Jean Monnet ont affronté les épreuves qui les mettaient en compétition avec 8 autres lycées charentais. Au total, une centaine de lycéens répartis en 12 équipes ont « crapahuté » dans l’humidité et la boue du Camp Broche de 8.00 à 18.00 ce jour-là.

Lancé à l’initiative du trinôme académique de Poitiers et organisé par les 1er RIMa, 515e RT, BA 709, Groupement de Gendarmerie départementale de la Charente, la Police nationale, le SDIS 16 ainsi que d’autres organismes et associations, le rallye citoyen est une rencontre annuelle particulièrement bénéfique pour des lycéens du niveau de 2nde

En provenance des lycées publics et privés, généraux et professionnels, du département, ces derniers y apprennent la cohésion dans l’effort, le travail en équipe ainsi que le sens de l’engagement à travers la découverte des métiers de la défense, de la sécurité et de la protection civile.

Les équipes sont ainsi évaluées dans différents ateliers où activités physiques et sportives alternent avec des activités plus pédagogiques. Comment figer et organiser une scène de crime ? Qu’est-ce que la police scientifique ? Comment lire et orienter une carte ? Comment reconnaître certaines espèces animales à leurs empreintes ? Par son intervention, l’Office Français de la Biodiversité (OFB) introduisait ainsi – et pour la première fois – la problématique de l’environnement et de sa protection dans l’organisation générale du rallye.

  • Qu’est-ce que l’Ordre National du Mérite et comment se distingue-t-il de la Légion d’Honneur ? 
  • Qu’est-ce qu’un ancien combattant ? 
  • Quelles furent les grandes batailles de l’année 1944 ? 

Réservistes citoyens et membres des associations ont aussi contribué à l’élargissement de la culture historique des lycéens tant celle-ci est intimement liée à la culture de défense.

Cependant, ce furent les parcours d’obstacles et l’atelier Laser Game qui rencontrèrent le plus grand succès auprès des élèves. Au contact d’un terrain détrempé, boueux et glissant, ces derniers eurent à franchir pont de singe, mur d’escalade, tyrolienne et autres obstacles que les soldats d’infanterie, alourdis par leurs équipements, peuvent rencontrer sur le champ de bataille. Particulièrement immersif, le parcours du 515e RT imposa aux élèves frags (1) et Blueguns en plus du transport d’un blessé. 

Toujours motivés alors que ce parcours intervenait tard dans l’après-midi, après bien d’autres épreuves, les lycéens de Jean Monnet réalisèrent le meilleur temps.

Que ce soit sur le parcours du 1er RIMa ou celui-ci, ils eurent cependant du mal au lancer de grenades : un exercice demandant adresse et précision à 10 m de distance. 

Aux pénalités liées à cet exercice visiblement difficile, ils rattrapèrent les points perdus au tir avec, notamment, les performances d’Agathe au Laser Game et celles de Marius et Nolann au pas de tir Police nationale (10/10 au pistolet).

C’est donc une belle équipe, remarquée pour son dynamisme, sa cohésion et sa discipline, mais aussi et surtout pour son sens de l’action collective dans l’effort, qui remporta cette 14e coupe en première place. Digne de ses aînés qui se sont succédés sur la première marche du podium en 2019, 2021 et 2023 (2), l’équipe 2024 du Lycée Jean Monnet a brillamment assuré le passage du témoin à l’équipe 2025. 

À charge pour celle-ci d’assurer une troisième victoire consécutive, l’année prochaine, qui donnera définitivement à notre lycée le trophée en plus de la coupe.

Le classement de la 14e édition du rallye citoyen (3)

  1. Lycée Jean Monnet (Cognac)
  2. Lycée Saint-Paul (Angoulême)
  3. Lycée Élie Vinet (Barbezieux)
  4. Lycée Jean Rostand (Angoulême)
  5. Lycée Jean-Albert Grégoire (Soyaux)
  6. Lycée Émile Roux (Confolens)
  7. Lycée Charles-Augustin Coulomb (Angoulême)
  8. Lycée Élie Vinet (Barbezieux)
  9. Lycée Charles-Augustin Coulomb (Angoulême)
  10. Lycée Pierre-André Chabanne (Chasseneuil-sur-Bonnieure)
  11. LISA (Angoulême)

Nghia NGUYEN
Professeur agrégé au Lycée Jean Monnet (Cognac)
180e promotion Cardinal de Richelieu

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  1. Cf. La frag est le gilet de combat que porte le combattant d’infanterie. À la fois pare-balles, pare-éclats et porte-chargeurs, il peut peser entre 2 et 4 kg sans les modules et équipements.
  2. Cf. Il n’y a pas eu de rallye citoyen en 2020 du fait de l’épidémie de COVID et, en 2022, le Lycée Jean Monnet a été battu en deuxième place par le Lycée Élie Vinet.
  3. Cf. Certains lycées ont engagé plusieurs équipes. Par ailleurs, une équipe composée d’élèves de Terminale a participé au rallye sans figurer dans le classement, celui-ci étant réservé au niveau de 2nde.

LES JEUNES, L’ENGAGEMENT MILITAIRE ET LA GUERRE

Sociologue et directrice déléguée du CEVIPOF/Sciences Po, Anne MUXEL est une spécialiste de la jeunesse française et de ses évolutions contemporaines. Dans une étude réalisée pour l’IRSEM (1), elle s’intéresse au rapport des 18-25 ans à la guerre et à l’engagement militaire dans le contexte international mais aussi national actuel. Les principaux points révélés par son étude sont les suivants :

  • Les dispositions des jeunes à l’engagement militaire sont réelles en cas de mobilisation dans un conflit de haute intensité.
  • Les jeunes ne se sentent pas coupés de l’Armée nonobstant l’absence de service militaire mais ce lien emprunte différents chemins (famille, école, univers cinématographique et des jeux).
  • Ils ont une perception collective pessimiste de l’avenir dans laquelle la menace d’une guerre reste identifiée quand bien même les enjeux écologiques leur paraissent plus forts.
  • La Deuxième Guerre mondiale reste, pour eux, un cadre de représentation majeur du phénomène guerrier.
  • Les clivages sociaux, culturels et idéologiques continuent de distinguer les orientations selon que l’on soit de CSP+ ou CSP-, de gauche ou de droite, catholiques ou musulmans, diplômés ou non… Les jeunes de gauche ne témoignent cependant plus de l’hostilité des générations précédentes envers l’Armée.
  • Sans être souhaitée, une guerre serait perçue comme « un élément fédérateur d’une appartenance commune ».

En tenant compte des précautions d’usage liées à ce genre d’étude, ces différents points paraissent plutôt positifs. Ils n’en demeurent pas moins théoriques et spéculatifs quant à une résilience réelle de notre jeunesse.

Nghia NGUYEN
Professeur agrégé au Lycée Jean Monnet (Cognac)
180e promotion Cardinal de Richelieu

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  1. Cf. MUXEL (Anne), « Les jeunes et la guerre. Représentations et dispositions à l’engagement », Étude n° 116, IRSEM, mai 2024, 50 p.

Quel avenir pour la France et l’Europe en Afrique ?

Niort : une nouvelle association propose des rencontres sur la géopolitique.

Président et cofondateur de « Au-delà du réverbère«  Donat Branger (Auditeur IHEDN) © Photo NR https://www.lanouvellerepublique.fr/niort/niort-une-nouvelle-association-propose-des-rencontres-sur-la-geopolitique

Une association vient de voir le jour pour proposer des rencontres sur la géopolitique. Explications de son président et cofondateur Donat Branger.

Quel avenir pour la France et l’Europe en Afrique ?
C’est le thème de la table ronde organisée jeudi 30 mai 2024 à la médiathèque de Niort par une toute nouvelle association. « Au-delà du réverbère » souhaite proposer des rendez-vous réguliers sur les questions de géopolitique.

À l’initiative de cette association, Donat Branger. Inspecteur général honoraire de la Banque de France, a posé ses valises dans son village natal de Magné il y a quatre ans, après une carrière à travers le monde. Il a notamment occupé le poste de gouverneur de la banque centrale du Kosovo, sous le mandat de l’Onu, assuré des missions d’expertise pour le FMI dans les Balkans et en Afrique.

Trouver les clés.
À l’heure de la retraite, « j’ai cherché à me rendre utile, à faire profiter du réseau que j’ai constitué. » Il a mis sur pied cette association, avec Vannina Kellershohn et Philippe Audouin. Son nom, Au-delà du réverbère, est tiré d’une petite histoire dans laquelle un homme cherche ses clés, sans succès, dans le halo d’un réverbère : « Les clés sont plus souvent dans la zone d’ombre qu’en pleine lumière. »

Pour éclairer sur la situation actuelle en Afrique, le 30 mai, il a convié Jean-Marc Brault de Bournonville (président d’honneur des conseillers du commerce extérieur de la commission Afrique Océan indien), Gérard Gerold (chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique) et Mathieu Mérino (chercheur Afrique à l’institut de recherches stratégiques de l’école militaire). « Nous parlerons surtout des pays d’Afrique francophone et des visions différentes qu’en ont Paris, Bruxelles et l’Onu. »

Cette table ronde sera suivie le 25 juin, toujours à la médiathèque, de la projection du film Fred Bondi, l’homme chanceux, qui raconte le parcours d’un juif autrichien, exilé aux États-Unis alors que les nazis annexaient son pays. Le réalisateur, Louis-Albert Serrut, animera une discussion.

Quel avenir pour la France et l’Europe en Afrique ? Table ronde jeudi 30 mai 2024 à 18 h (durée 1 h 30) à la médiathèque Pierre-Moinot (Niort).
Inscriptions : audeladureverbere@gmail.com

On pourra suivre cette table ronde en distanciel sur Teams en le précisant lors de l’inscription et un lien sera alors envoyé.

Naufrage du Lancastria

Hommage aux soldats et victimes civiles britanniques décédés suite au naufrage du Lancastria le 17 juin 1940 au large de Saint-Nazaire.

Par Gérald SIM – Professeur agrégé d’histoire-géographie au collège Pierre Mendès France de La Rochelle, chargé de cours à l’université de La Rochelle.
– Docteur en histoire contemporaine de l’Université de Nantes et spécialiste des relations franco-américaines au XIXe siècle.
– Auditeur de la 198e session en région (promotion « Capitaine Charles N’Tchoréré ») de l’Institut des hautes études de défense nationale (2014).

Le 16 juin 2023, les élèves de la classe de défense du collège Pierre Mendès France, dirigée par Gérald SIM, et les volontaires du 3e Régiment du Service militaire volontaire de La Rochelle ont souhaité rendre hommage aux soldats et aux victimes civiles britanniques décédés suite au naufrage du Lancastria le 17 juin 1940, en déposant au cimetière de Bois-Plage-en-Ré une urne contenant de la terre et des pierres provenant du Royaume-Uni. Voir [Annexe 1] et [Annexe 2]

En France, 41 cimetières, répartis en Loire-Atlantique, Vendée et Charente-Maritime, abritent les sépultures des victimes dont les corps ont échoués sur nos plages. Un mémorial commémoratif a été érigé à Saint-Nazaire.

En Charente-Maritime, 27 cimetières sont concernés dont celui de Bois-Plage-en-Ré qui dénombre 13 tombes. Voir [Annexe 3]

Cette manifestation mémorielle est organisée à partir de travaux réalisés par la classe de défense sous la conduite pédagogique de Gérald SIM. Cet évènement a eu lieu en présence de différentes autorités locales. Maire de la commune, conseiller départemental, DMD adjoint, le service départemental de l’ONaCVG de Charente-Maritime.

Paul MORIN, président de l’AR-18, assistait à la cérémonie accompagnée par Jean-Marc BRAULTde BOURNONVILLE, secrétaire du comité Aunis-Saintonge. 

Détail de la cérémonie avec la présence des élevés de la classe de défense et également des volontaires du 3e RSMV de La Rochelle.

Tout ce travail de mémoire et d’identification des victimes est consultable dans un livre numérique réalisé par les élèves :

https://tinyurl.com/27pucynw

Lecture du livre : https://tinyurl.com/27pucynw

ANNEXE 1

Déroulé de la cérémonie.

  • Présentation par une représentante du SMV du déroulé de la cérémonie
  • Présentation sous forme de discours du projet pédagogique mené au cours de l’année scolaire (je serai aux manettes)
  • Lecture de la lettre d’un rescapé du Lancastria (2 élèves)
  • Lecture de 4 biographies réalisées par les élèves
  • Mot du président de l’association du Lancastria venant exprès de Saint-Nazaire.
  • Dépôt de l’urne contenant de la terre et des pierres venant du Royaume-Uni et inauguration d’une plaque commémorative
  • Dépôt de fleurs et de bougies par les élèves
  • Lecture des noms des soldats britanniques inhumés dans le cimetière par un élève et un volontaire du SMV énonce « Mort en service »
  • Dépôt des gerbes par les autorités avec les élèves : Mairie, DMD adjoint (LCL Lanza), conseil général (Patrice Raffarin), Office national des combattants et victimes de guerre, président de l’association du Lancastria 
  • Aux morts – minute de silence
  • Temps d’échange entre participants

ANNEXE 2

Le Lancastria sombre au large de Saint-Nazaire.

C’est l’une des plus grandes catastrophes maritimes de l’histoire. 

Le 17 juin 1940, le paquebot britannique Lancastria sombrait au large de Saint-Nazaire, mortellement touché par les bombes de l’aviation allemande. 

Mis en service en 1922 (sous le nom de Tyrrenhia puis rebaptisé en 1924), le navire de la Cunard, long de 168 mètres, venait d’embarquer des soldats britanniques fuyant l’avancée des troupes allemandes dans l’ouest de la France. 

Après son appareillage, le Lancastria est attaqué à 15 h 50 par quatre avions Ju 88, qui parviennent à placer une bombe dans une des cheminées. Ce coup fatal provoque la perte du navire, qui coule en une vingtaine de minutes. 

Officiellement, le naufrage fait 5 200 victimes, ce qui en fait le second plus meurtrier après celui du paquebot allemand Wilhelm Gustloff (plus de 5 300 morts), torpillé le 30 janvier 1945 par un sous-marin soviétique. Toutefois, selon certains historiens, la perte du Lancastria aurait, en réalité, fait quelques 7 000 victimes. 

Tragédie confidentielle. Le nombre exact de ceux qui se sont trouvés à bord du Lancastria est inconnu.
Les documents de bord sont sous secret militaire pour 100 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2040. 
À l’annonce du naufrage, Churchill place sous secret la nouvelle du désastre, par la Defence Notice (D-Notice), afin de ne pas démoraliser davantage les citoyens britanniques. 
Le même jour, l’armée française est complètement anéantie par l’armée allemande et l’annonce officielle de la capitulationde la France devant l’Allemagne d’Hitler est diffusée au même moment.

ANNEXE 3

27 cimetières sont concernés en Charente-Maritime.
© Commonwealth War Graves

  • Angoulins :                                   2 tombes.
  • Ars-en-Ré :                                  12 tombes (île de Ré).
  • Aytré :                                          2 tombes.
  • Châtaillelon-Plage :                      6 tombes.
  • Dolus d’Oléron :                           11 tombes (île d’Oléron).
  • Fouras :                                       1 tombe.
  • Jonzac :                                       2 tombes.
  • La Couarde-sur-Mer :                   5 tombes.
  • La Rochelle :                                1 tombe (cimetière Saint-Éloi).
  • La Tremblade :                             9 tombes.
  • Le Bois-Plage-en-Ré :              13 tombes (île de Ré).
  • Château-d’Oléron :                      1 tombe (île d’Oléron).
  • Les Mathes :                                1 tombe.
  • Les Portes :                                 1 tombe.
  • Muron :                                        1 tombe.
  • Rochefort-sur-Mer :                      29 tombes (cimetière naval).
  • Royan :                                        7 tombes (cimetière catholique Romain).
  • Saint-Clément-les-Baleines :        6 tombes (île d’Oléron).
  • Saint-Georges-d’Oléron :             18 tombes (île d’Oléron).
  • Saint-Martin-de-Ré :                     10 tombes (île de Ré).
  • Saint-Nazaire-sur-Charente :        2 tombes.
  • Saint-Palais-sur-Mer :                   8 tombes.
  • Saint-Trojean-les-Bains :              13 tombes.
  • Sainte-Marie-de-Ré :                    7 tombes (île de Ré).
  • Yves :                                           5 tombes. 

Focus sur la Chine

Présentation de Éric PEUCHSapeur-pompier engagé à la BSPP puis carrière d’officier dans trois départements avant de devenir directeur de SDIS de deux départements, puis carrière à l’international en gestion des risques de catastrophe et en protection civile (Chine et Asie du sud-est).

Mieux comprendre la Chine et les Chinois

Résumé de la communication du lundi 29 janvier 2024

L’héritage constant transmis à chaque génération de chinois depuis l’antiquité a forgé une civilisation dotée d’une identité spécifique et attachante mais souvent difficile à décoder pour nous, européens. La Chine a été centralisée dès le 3ème siècle av. JC, les premiers états qui ont constitué le noyau de l’Empire du Milieu étaient constitués de plusieurs royaumes basés sur le fleuve Jaune. Ils revendiqueront leur légitimité comme étant les États du milieu, c’est- à-dire à la fois au centre du pouvoir, au centre du pays et au centre du monde. Plus tard les empereurs disposèrent d’une administration efficace animée par des mandarins lettrés nous permettant une connaissance précise de l’histoire du pays.

C’est bien avant notre ère que le système du tribut permis aux chinois d’asservir les pays voisins par une stratégie diplomatique impliquant la soumission volontaire d’un peuple à l’empire du Milieu et à un système économique favorisant la circulation des marchandises et la stabilité politique. Il perdure aujourd’hui sous des formes hégémoniques d’économie conquérante. Les chinois, formés au commerce, ont toujours un sens aigu des affaires qui met en jeu le guanxi, le réseau de relations indispensable à toute réussite sociale et au développement des affaires. C’est d’ailleurs une gageure pour les sociétés occidentales voulant s’installer en Chine que de percer sans cet appui local.

Les guerres de l’opium ont mis fin au système des tributs et au pouvoir impérial. La Chine du 19ème siècle a été soumise à la cupidité des puissances coloniales entrainées par le Royaume Uni imposant des traités iniques et des opérations militaires vexatoires telles que le sac du Palais d’été qui marque toujours les esprits et les relations diplomatiques.
Ensuite, au mouvement nationaliste, restructuré en 1912 autour du Guomindang, se joint le parti communiste chinois en 1923-1927. Ils s’affrontent puis se liguent en 1937-1946 contre l’occupant japonais, les communistes l’emportant finalement en 1949 sous la direction de Mao Zedong tandis que Tchang Kai-Chek se réfugie à Formose.
Quelque 50 ans après l’échec désastreux du Grand Bond en avant, la grande famine et les purges politiques, c’est dans le sillage des réformes de Deng Xiaoping (1978-1997) que la Chine s’est hissée au rang des toutes premières puissances économiques mondiales.
La Chine moderne voit son PIB par habitant multiplié par 8 en 30 ans et s’oriente vers une économie de marché ce qui n’empêche pas le PCC de s’affirmer et d’infiltrer les administrations et les entreprises d’état, instituant une hiérarchie parallèle prenant le pas sur la marche normale des organisations publiques. Après le drame de la place Tien’anmen les chinois ont compris qu’ils pouvaient s’enrichir à condition de ne pas contester la place du PCC.

La Chine n’a jamais été impérialiste mais a toujours été intransigeante sur ce qu’elle considère comme son territoire. Xi Jingping dès son arrivée à exhorté les chinois à relever la tête et à récupérer les terres historiques.
S’en sont suivi les incidents en mer de Chine orientale, l’annexion des iles Spratley et Paracel et la multiplication des manœuvres militaires menaçant Taiwan. Le positionnement des alliés de Taiwan, dont les USA, en mer de Chine et dans le Pacifique crée un équilibre des forces laissant penser que l’invasion n’est pas pour demain d’autant que les conséquences économiques d’une rupture totale avec TaIwan aurait de graves conséquences pour la Chine en terme d’approvisionnement en composants électroniques et en investissements.

Le projet des « Nouvelles routes de la soie » entre également dans la dynamique conquérante de Pékin sur le monde économique. La Chine, par la mise en œuvre d’un soft-power inédit, fait briller aux yeux de nombreux pays traversés par les « routes » un boom économique sans précédent.
Elle construit ou rachète des infrastructures portuaires, routières, ferroviaires en Europe, en Afrique ou en Asie. La plupart du temps, la Chine prête, et ce sont les États qui investissent et s’endettent pour finalement se trouver dépendants. L’UE vient de décider de monter un contre-projet consistant à conserver la souveraineté des pays européens traversés en assumant les investissements sans pour autant s’opposer aux ambitions de Pékin.

Le Xinjiang, territoire ouïghour chinois, turcophone et musulman, est la province la plus concernée par les nouvelles routes de la soie d’où partent plusieurs itinéraires. A ce titre, et également pour lutter contre des tentatives de sécession et en réaction à des actions terroristes, Pékin étouffe la province autonome en limitant la pratique de l’Islam, en envoyant des milliers de ouïghours identifiés comme suspects en camp de rééducation et en développant l’influence des Hans sur ce territoire grâce à des implantations d’entreprises dirigées par ces chinois de souche. Ils représentent désormais 45% de la population.

La Chine est devenue un pays moderne, en avance dans bien des domaines technologiques, compétitive d’un point de vue militaire, doté d’infrastructures à la mesure du pays-continent et d’une énorme capacité d’innovation et de production industrielle et commerciale qui ont permis à la classe moyenne de grossir et de s’enrichir aux côtés de milliardaires suscitant souvent l’admiration des plus modestes par leur réussite fulgurante.
L’extrême pauvreté a considérablement diminué, même si un large prolétariat existe toujours. Mais la gestion catastrophique de la Covid a mis à mal l’économie chinoise et de nombreux chinois sont désormais sans ressources commençant à perdre confiance en leurs dirigeants.
De plus la Chine est entrée dans une phase de surinvestissement, avec des projets peu rentables financés par l’endettement, à la fois public et privé, et en particulier dans l’immobilier dont la bulle commence à éclater au détriment des familles. Les investissements étrangers se raréfient, des entreprises s’installent dans des pays émergeants voisins.
Plongée dans une crise économique profonde et peut-être durable, conséquence principalement d’une gouvernance devenue l’otage de l’idéologie, la Chine entre vraisemblablement dans une période de repli sur soi malgré quelques signes d’ouverture récents vers l’occident.
Si le mécontentement s’amplifie, il ne viendra pas des campagnes, ni des usines mais de la classe moyenne qui n’acceptera jamais un retour en arrière et encore moins que ses enfants n’aient plus d’avenir.
Xi Jinping ne sera pas le Gorbatchev chinois comme certains observateurs avaient pu l’imaginer au début, mais au contraire l’homme qui sauvera le Parti communiste, garant des principes et structures de la république populaire, quitte à contraindre la population, avec des pratiques néo-maoïstes et à montrer ses muscles à l’international, au risque de déstabiliser les équilibres créés à l’après-guerre.

Handicapés par une difficulté à voir la réalité en face et à anticiper les évènements, les chinois de la génération de l’enfant unique commencent pourtant à s’inquiéter de leur avenir.

Éric PEUCH / Janvier 2024

Joyeux Noël et Bonne Année 2024

© Aquarelle de Renée MOUNIER
Chères amies, chers amis du Comité IH Aunis-Saintonge,
« Les traditions sont le ciment des nations croulantes« , disait le Titi, mon bien malheureux prof de maths au Prytanée. Et bien, je cimente gaillardement. Je charge cette jolie chapelle angevine d’accompagner tous mes meilleurs souhaits de Saint et Joyeux Noël 2023, ainsi que mes meilleurs voeux de Bonne et Heureuse Année 2024, adressés à vous-mêmes, à vos familles et à tous ceux qui vous sont chers. Je ne rentre pas dans le détail des voeux, ce serait trop succinct, ou trop long. Rassurez-vous, ils y sont tous.
Que 2024 voie la continuation et la réussite de nos entreprises dans l’excellente ambiance qui caractérise notre comité. J’en profite pour dire un grand merci à Paul, Michel, Christian et Jean-Marc qui nous animent et à Bernadette qui nous relit, et nous corrige… Sursum corda !
Avec toute mon amitié.
Philippe MOUNIER