Le Comité d’Éthique de la Défense (COMEDEF)

Article écrit le 21 décembre 2022 par Nghia NGUYEN 
– 180e promotion Cardinal de Richelieu
– Professeur au Lycée Jean Monnet (Cognac)

Une création récente

Le Comité d’Éthique de la Défense (COMEDEF) a été créé le 10 janvier 2020 par la Ministre Florence PARLY. Constitué de 18 membres représentatifs, entre autres, du monde des armées, de la recherche et du droit, il a à sa tête un grand commis de l’État, Bernard PÊCHEUR, secondé par l’ancien CEMA, le Général d’armée Henri BENTÉGEAT.

Les avancées scientifiques de la quatrième révolution industrielle, notamment dans le domaine des NBIC (1), posent de graves questions anthropologiques à l’ensemble de la société si ce n’est à la civilisation elle-même. Les armées n’échappent pas à ce questionnement à travers des faits déjà concrets à l’endroit du degré d’autonomie à accorder aux systèmes d’armes, à l’appréhension de nouveaux espaces de bataille mais aussi à l’intégration de capacité nouvelles dans l’organisme des combattants.

Le COMEDEF a, donc, pour mission de réfléchir sur ces questions profondes qui sont de nature à transformer radicalement les guerres qui arrivent. Développant une « réflexion éthique » qui doit accompagner de manière permanente les évolutions scientifiques, il inscrit son action dans une dimension prospective. Le COMEDEF émet donc des avis afin d’informer et de renseigner le MINARM. Il émet des propositions et des recommandations, et ses travaux peuvent être rendus publics. Au-delà, il permettra à notre pays d’élaborer une position internationale en cohérence avec ses valeurs politiques. Avec un logo représentant une boussole, le COMEDEF a pour vocation de donner un cap.

C’est donc pour présenter le comité, sa finalité et ses missions, que Bernard PÊCHEUR s’est rendu sur la BA 709 le mardi 29 novembre 2022. Accompagné par Rose-Marie ANTOINE et Christine BALAGUÉ (deux des dix-huit membres du comité), il fut accueilli par le Colonel Thierry KESSLER-RACHEL, commandant la base aérienne, et le Lieutenant-colonel Thibault RICCI, commandant l’École de l’Aviation de Chasse (EAC). Spécialiste en cyberdéfense, le Colonel KESSLER-RACHEL fut, également, rapporteur du COMEDEF avant sa prise de commandement de la BA 709. Désirant sensibiliser les élèves pilotes – et futurs officiers de l’AAE – aux questions éthiques, il a noué un partenariat avec le COMEDEF qui fait entrer cette réflexion dans le cursus de formation des futurs pilotes de combat.

C’est devant un parterre de personnels de l’EAC, en présence de la presse locale, que les trois membres du COMEDEF présentèrent leurs missions et les travaux jusqu’à présent réalisés : avis sur la défense spatiale, sur l’environnement numérique des combattants, sur l’éthique dans la formation des militaires, sur la notion d’intégration à introduire dans l’usage des SALA (2), sur le soldat augmenté… Avec en filigrane à tous ces thèmes la question omniprésente des avancées en matière d’intelligence artificielle.

De quoi parle-t-on ?

Si l’initiative est éminemment utile, pour ne pas dire d’une urgente nécessité, elle déçoit cependant dès sa présentation. Haut fonctionnaire et juriste de formation, rompu au service de l’État et aux discours institutionnels, M. PÊCHEUR s’est livré à un exercice oratoire particulièrement normatif où son assurance renouvelée dans le Droit, en la constitution et les lois tient lieu de cadre à toute réflexion éthique. « La démarche du COMEDEF s’appuie sur le droit commun qui s’applique à l’ensemble de la société » et « selon le principe de la dignité humaine » affirma t-il. Or, c’est oublier que le droit reste bien relatif et que les lois peuvent évoluer et changer. Surtout, c’est ne pas vouloir dire que la nature humaine c’est justement cela que la révolution du transhumanisme – qui procède directement des NBIC – propose de transformer.

Privilégiant une approche purement juridique des problèmes, le président du COMEDEF engage sa réflexion à partir d’une confusion – qu’il se garde bien de lever – entre les mots «  Éthique » et «  Morale ». Cette confusion, particulièrement conforme à l’air du temps politique et médiatique, est pourtant préjudiciable à l’essentiel. Elle dit surtout ce que l’on désire occulter.
Alors que la Morale se donnera les moyens (valeurs, principes) de distinguer fondamentalement le Bien du Mal, le juste de l’injuste, l’Éthique, elle, se posera comme une réflexion ne s’intéressant pas directement aux objets de la Morale mais à la manière de les (re)définir dans le relativisme voulu par l’époque. C’est donc avant tout à la Morale de précéder et d’éclairer les lois et non aux lois de dire, in fine, ce que devrait être une morale confondue avec l’éthique. Les deux termes ne sont pas synonymes quand bien même les contemporains ont-ils fini par confondre, eux aussi, la fin et le moyen.

L’Éthique dont parle M. PÊCHEUR n’est, au fond, qu’une judiciarisation des évolutions scientifiques et technologiques appliquée aux affaires militaires, dont on se demande s’il y a une place réelle pour une vraie réflexion morale au-delà d’un discours convenu et rhétorique sur la démocratie et l’importance des lois pour garantir la dignité des militaires et de la société.
La place faite au sein du COMEDEF à ceux qui auraient le plus à apporter en matière de Morale et d’Éthique – philosophes, intellectuels, théologiens – dit, à elle seule, l’orientation dans laquelle les promoteurs du comité ont voulu qu’il s’inscrive.

Certes, on trouvera un philosophe en la personne de Jean-Baptiste JEANGÈNE VILMER. Cependant, et sans remettre en cause l’excellence de ses travaux, ce dernier ne représente pas ce que le monde philosophique actuel produit de mieux sur les questions de l’Éthique et du transhumanisme. Recherchant avant tout « des propositions impactantes », le COMEDEF perçoit en fait le débat de fond comme un facteur de paralysie et sacrifie la finalité même de l’Éthique.

Le COMEDEF, un trompe-l’œil ?

« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » La célèbre citation de BOSSUET n’a malheureusement pas pris une ride en ce début de XXIe siècle. Chaque fois que l’on fuit le sens d’un phénomène, on se condamne à un déni qui se rappellera, tôt ou tard, quand bien même se trouverait-on dans les cimes de l’État. Souvent dramatique pour les individus, ce rappel aux réalités humaines pourrait être catastrophique pour la société.

Les questions ne furent pas nombreuses mais quelques-unes furent néanmoins posées quant à la marge de manœuvre du COMEDEF et, au-delà, de la France pour limiter ou s’opposer aux évolutions imposées par les progrès des NBIC. Sachant que ce sont les États-Unis et la Chine qui, aujourd’hui, donnent le tempo en matière de recherche, d’innovations et de pratiques. La France n’a fait que suivre plus ou moins vite, mais elle a toujours fini par suivre comme en témoigne, par exemple, la possibilité désormais donnée aux drones d’exercer des frappes (3). L’alignement stratégique sur les États-Unis ainsi que la mise aux normes OTAN de nos forces armées à tous les niveaux montrent aussi qu’à terme il nous sera impossible de faire différemment en matière de principes lorsque le champ de bataille sera essentiellement robotisé et digitalisé (4). Quant à la distinction entre SALA et SALIA, si elle tient encore aujourd’hui, elle est d’ores et déjà indexée sur la marche de l’intelligence artificielle dont on ne voit pas en quoi la vitesse d’analyse, la capacité à interpréter et à concevoir (5), les possibilités qu’elle donne d’emblée en matière de guerre cognitive ainsi que la volonté, in fine, d’accéder un jour à une IA forte, n’élimineront pas à terme la partie humaine du contrôle de la décision.

Le plus grave demeure cependant la capacité d’aveuglement dont pourraient faire preuve certains membres du COMEDEF sur les sujets même de leurs réflexions. Ainsi, à une autre question posée sur la révolution du transhumanisme, Christine BALAGUÉ, professeur spécialiste des questions numériques, mit en avant les fantasmes portés par le transhumanisme qui en feraient davantage un mythe qu’une réalité ; allant jusqu’à affirmer que « des humains contrôlés par la technologie, ça n’existe pas » (sic). Ironie du sort : au lendemain même de cette affirmation, Elon MUSK annonçait que sa firme Neuralink sera en mesure d’implanter un premier appareil connecté dans un cerveau humain dans les six prochains mois (6).

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  1. Cf. Acronyme pour Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et Cognitivisme. Les NBIC sont les domaines dans lesquels s’opèrent, de nos jours, les ruptures majeures contemporaines permettant l’entrée de l’Humanité dans l’ère de l’augmentation et du transhumanisme.
  2. Cf. DANET (Didier), « Pourquoi la France a renoncé aux SALA », DSI, 157, janvier/février 2022. L’article reprend la réflexion du COMEDEF qui propose les SALIA (Système d’Arme Létal Intégrant de l’Autonomie) à la place des SALA (Système d’Arme Létal Autonome).
  3. Cf. Le propos n’est pas une opinion sur le bien-fondé ou non d’armer les drones, mais il est de rappeler les longs débats qui ont précédé cette décision d’employer les drones pour des frappes comme le faisaient déjà Américains et Britanniques depuis des années. Débats dans lesquels il n’était pas rare d’entendre politiques et militaires dire qu’ « on ne fait pas la même guerre que les Américains », que l’ « on n’a pas la même culture qu’eux », qu’ « on s’impose toujours des limites »…
  4. Cf. JDEF, « Robots : des nouveaux soldats ? », 19 décembre 2022. Cette émission du Journal de la Défense présente le COMEDEF.
  5. Cf. Les capacités de l’agent conversationnel ChatGPT de la firme OpenAI présenté pour la première fois en novembre 2022.
  6. Cf. Annonce faite par Elon MUSK le 30 novembre 2022. Cet implant sera une interface permettant à un individu de communiquer par la pensée avec un réseau connecté. L’objectif sera dans un premier temps de pouvoir rendre la vue ou de permettre à un tétraplégique de se mouvoir. Ce bond technologique (breakthrough device) relève de l’INTERNET des corps ou IoB (INTERNET of Bodies) c’est-à-dire de l’intégration dans le corps humain d’objets connectés. Il existe trois générations d’IoB : celle des objets externes connectés au corps (INTERNET of Things ou IoT), celle des implants (capteurs de contrôle médicaux) et celle de la fusion en temps réel homme/machine avec un réseau extérieur. L’annonce du 30 novembre 2022 renvoie à cette dernière génération dite des « corps embarqués ». Elle illustre le problème que porte le transhumanisme dans son essence même. Partant d’une problématique réparatrice – qui peut être légitime car médicale -, il ouvre sur une problématique d’augmentation propre à changer la nature même de notre humanité. Le délai de six mois annoncé par M. MUSK est celui que demande l’approbation administrative de la Food and Drug Administration (FDA), l’agence de santé publique étatsunienne. Mise à jour du 29 mai 2023 – Neuralink a annoncé, le jeudi 25 mai, disposer désormais de l’autorisation administrative pour pouvoir tester ses implants cérébraux.

Le cinquième âge de la guerre navale

Article écrit le 23 mai 2023 par Nghia NGUYEN 
– 180e promotion Cardinal de Richelieu
– Professeur au Lycée Jean Monnet (Cognac)

Compte rendu du traité de tactique navale de François-Olivier CORMAN et Thibault LAVERNHE.

Le problème fondamental des armées est de réussir à penser le prochain conflit qu’elles auront à mener. C’est une préoccupation souvent contrainte par le poids des habitudes du temps de paix, les trop longues parenthèses stratégiques qui peuvent favoriser sclérose et paresse intellectuelles mais aussi des évolutions technologiques inédites que d’aucuns considèreraient trop rapidement comme des révolutions tactiques ou stratégiques en soi.

Renouveler la pensée tactique navale, tel est l’objectif de François-Olivier CORMAN et Thibault LAVERNHE dans ce qui se présente comme un passionnant traité en la matière. Officiers de La Royale, ayant commandé à la mer et poursuivant leur carrière dans la recherche et la prospective (1), les deux auteurs situent leur réflexion dans un changement d’époque qui voit l’émergence de nouvelles puissances navales dont l’agressivité remet en cause à la fois la sécurité collective qui prévalait depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et l’hégémonie occidentale (étatsunienne) au lendemain de la Guerre froide.
Désormais, la guerre de haute intensité pointe à l’horizon et mers et océans – plus que jamais définis comme des milieux de conflictualité – annoncent le retour du combat naval.

La réflexion des deux auteurs se voudrait donc une anticipation à la fois théorique, doctrinale mais également réflexive et concrète sur le retour du combat naval et la complexité de ses nombreux aspects à notre époque contemporaine qu’ils définissent comme le cinquième âge de la guerre sur mer. D’abord destinée aux officiers de Marine, la réflexion est aussi portée au grand public du fait de la clarté des deux plumes et de leur volonté d’éclairer le plus grand nombre sur les enjeux de la guerre navale.

Hommes d’action et de commandement, les deux auteurs ont d’abord vécu la pratique militaire de la mer avant de l’écrire. Ils en connaissent la complexité et l’ordonne autour d’une réflexion où tous les grands aspects du combat naval contemporain sont abordés : des grands principes à la planification en passant par le capital ship, l’interopérabilité, le C2, le commandement humain…
Plus que structuré par une expérience technico-opérationnelle d’actualité, le propos est aussi charpenté par l’Histoire à laquelle les auteurs reviennent tout au long de l’ouvrage. Ainsi distinguent-ils cinq âges dans la généalogie du combat naval : celui de la voile (XVIe/XIXe siècles), celui du canon et de la torpille (XIXe siècle/Entre-deux-guerres), celui de l’aéronavale (Entre-deux-guerres/années 1960), celui du missile (années 1960 à nos jours).

Le cinquième âge est celui dans lequel nous entrons et dans lequel se livrera la prochaine guerre navale. Cadre contextuel du traité, ce cinquième âge poursuit les troisième et quatrième en y ajoutant les technologies actuelles : automation, dronisation, couches de réseaux, fusion des données, intelligence artificielle
Ce que nous décrivons de nos jours comme les game changers du combat naval moderne. Avec l’émergence de nouvelles puissances maritimes – au premier rang desquelles on pensera à la Chine et à la Turquie – l’écart technologique s’amenuise entre les forces navales au moment où les marines occidentales, engagées dans la gestion de crise depuis des décennies, ont oublié l’affrontement de haute intensité en mer.

Analysant de nombreuses batailles navales, les auteurs montrent qu’il existe des invariants du combat naval quelle que soit l’époque. Ces derniers tiennent à la spécificité physique et géographique du milieu marin mais aussi, et surtout, à un commandement qui n’a pas varié en ses principes. Des campagnes de Suffren au XVIIIe siècle à celle des Malouines menée en 1982 par l’Amiral WOODWARD en passant par la bataille de Koh-Chang en 1941, ces principes demeurent les mêmes à savoir l’autonomie tactique du commandement, la culture de l’initiative, celle de l’audace et last but not least la force morale.
Plus que jamais la guerre demeure un choc de volontés quand bien même celle de demain, à laquelle préparent les auteurs, se fera-t-elle dans un environnement et avec des moyens technologiques inédits.

Illustrant l’adage selon lequel « celui qui tient la mer tient le monde », les deux tacticiens montrent surtout que la maîtrise de la mer est incontournable dans tous les conflits même ceux que l’on pourrait penser au premier abord comme essentiellement aéroterrestres (Irak, Afghanistan, Ukraine…). Que ce soit dans :

  • la sécurisation d’une route maritime,
  • l’acquisition de littoraux,
  • l’accès à un théâtre d’opération,
  • la réorganisation de flux contrariés par un conflit,

il y a toujours un volet naval dans une confrontation. Certes, l’approche relève davantage de la stratégie que de la tactique où la mer apparaît comme un moyen décisif dont le contrôle permet de produire des effets dans d’autres milieux. Si stratégiquement un conflit part de la terre et finit sur la terre, une victoire ou une défaite sur mer est souvent décisive pour permettre ou empêcher une victoire finale.

La première caractéristique du combat naval est d’être avant tout destructeur car, contrairement à la terre, il n’y a pas d’encerclement en mer et les batailles ne durent pas des mois. Les confrontations directes sont souvent courtes dans le temps, brutales et décisives du fait de pertes infligées impossibles à reconstituer dans un temps court. Ces trois aspects – dimension destructrice de la bataille navale, sa contraction dans le temps et son caractère décisif dans une stratégie générale – traversent une réflexion hantée par l’idée d’une Marine dont les commandants ne seraient plus suffisamment préparés au combat naval qui arrive. Mettant en jeu des systèmes et des armements jamais engagés jusqu’à présent dans une guerre navale, ce combat verrait le retour de pertes humaines importantes.

Le combat naval du cinquième âge se caractériserait également – et paradoxalement – par le retour d’un « brouillard de la guerre » sous-estimé par l’illusion de la « transparence » d’un champ de bataille traversé par de plus en plus de robots, de machines autonomes, de drones et par de moins en moins de combattants humains.
Alors que l’interarmisation cherchait jusqu’à présent à coordonner les actions des différentes armées dans un même milieu, le cinquième âge naval est désormais celui de la guerre dans le multimilieux/multichamps (M2MC) : champs informationnel et du cyberespace, milieux de l’espace exo-atmosphérique et des grands fonds.
En plein développement intellectuel au sein des doctrines Terre/Mer/Air et Espace, le concept du M2MC se caractérise d’emblée par un obscurcissement informationnel et une interaction en temps réel de plusieurs milieux et champs de nature différente dont la conséquence est de faire resurgir un brouillard de la guerre que l’innovation technologique cherchait jusqu’à présent à réduire.

Étude fouillée qui nous projette dans une prospective de la guerre navale telle qu’elle se déroulerait tout à l’heure ou demain, mais en gardant en main courante les enseignements fondamentaux de l’Histoire, Vaincre en mer au XXIe siècle fera date dans l’évolution de la pensée navale française.

Réserve Communale de Sécurité Civile

Par Maxence JOUANNETAuditeur du Comité Aunis-Saintonge
– Colonel de Sapeurs-Pompiers en retraite
– Ancien directeur départemental du SDIS 87 – Limoges

Sensibiliser les lycéens à la cyberdéfense

Article écrit le 22 janvier 2023 par Nghia NGUYEN
180e promotion Cardinal de Richelieu
– Professeur au Lycée Jean Monnet (Cognac)

D’abord spécialiste dans le soutien technique d’aéronefs, le Colonel Thierry KESSLER-RACHEL s’est par la suite orienté dans le domaine de la cyberdéfense (1).
Après une formation dans la sécurité des systèmes informatiques qui lui ouvrit de nouvelles responsabilités, il exerça comme chef du centre des opérations cyber au sein du tout nouveau COMCYBER (2) avant de devenir l’actuel commandant de la base aérienne 709.

C’est en tant que spécialiste en cyberdéfense qu’il vint à la rencontre des élèves de la Terminale G4 du Lycée Jean Monnet ce jeudi 19 janvier 2023. Avec le double objectif d’éclairer les jeunes esprits sur les enjeux cruciaux que pose l’omniprésence du cyberespace dans nos vies individuelles comme professionnelles, et celui de présenter les différents parcours pouvant mener aux nombreux métiers de la cyberdéfense, l’officier fit un exposé mêlant à la fois perspective historique, enjeux contemporains et données techniques. Son propos fut d’autant plus intéressant qu’il fut accessible pour un public de lycéens nonobstant sa technicité.

Ces derniers furent d’abord introduits dans le sujet par l’Histoire de la cryptographie (le fait de rendre incompréhensible un message afin d’en protéger les informations) dont l’usage remonte à l’Antiquité. Plus proche de nous, la guerre cryptographique menée par les Alliés durant la Deuxième Guerre mondiale avec les exemples de la bataille de Midway en 1942 et la capture des livres de code de la machine allemande Enigma.

Une chronologie simple permit ainsi de tracer une problématique de protection des informations et des chaînes de décision de l’Antiquité à nos jours que vint remettre en cause la première grande cyberattaque de l’Histoire.

  • En 2007, l’Estonie alors pays le plus numérisé au monde subit une attaque cybernétique d’une ampleur inédite paralysant ses institutions et son économie. Cette attaque – que beaucoup attribuaient à la Russie – est restée à la fois un marqueur et une rupture faisant émerger de véritables doctrines nationales de cyberdéfense.
  • D’autres attaques mettant en œuvre des virus particulièrement dangereux ont eu lieu depuis (STUXNET, Snowden, Wannacry, Solarwinds…), et l’évolution technologique permet désormais de mettre en œuvre des processus de dissimulation autrement plus sophistiqués dépassant la cryptographie classique.
  • Ainsi, le pixel d’un fichier jpeg, qui en contient des centaines de milliers, peut de nos jours cacher une information codée voire un virus. L’exemple permit d’introduire la notion de stéganographie (technique de dissimulation de l’information).

Partant d’une définition du cyberespace à travers ses trois couches (physique, logique, cognitive), le Colonel KESSLER-RACHEL s’employa à mettre en place les grands principes de la guerre informatique sur ses trois volets essentiels : défensif, offensif et lutte d’influence.
La guerre informatique a pour objectif d’atteindre ou d’assurer en permanence la disponibilité, l’intégrité et la confidentialité des informations : un triptyque fondamental et incontournable.
La posture de cyberdéfense posera d’abord la question de savoir ce que nous voulons protéger et contre qui/quoi. Elle cherchera ensuite à empêcher l’extension d’une attaque à l’ensemble d’un système pour finir par l’identification de la source de la menace et de l’attaque.

Ce dernier point est ce que l’on appelle l’ « attribution ». L’officier souligne son extrême difficulté eu égard au trop grand nombre d’acteurs (individus, organisations plus ou moins clandestines, mafias…) pouvant entrer en jeu, voire son impossibilité lorsqu’il s’agit d’un État…
Quant aux cyberattaques que nous pourrions mener, elles sont frappées du sceau de l’ultra confidentialité afin de ne pas révéler à la fois les failles et les cibles visées. La lutte contre l’État islamique a, par exemple, fait l’objet de mesures de cyberdéfense et de cyberattaques.

La cyberguerre est d’autant plus complexe qu’elle peut faire aussi intervenir des actions qui ne viennent pas directement du cyberespace. La bataille peut revêtir une dimension matérielle à travers des dommages infligés aux infrastructures :

  • Couper des câbles sous-marins,
  • Élever la température dans les data centers,
  • « Abandonner » des clés USB infectées…

Face à ces menaces dont les implications ne sont pas toutes connues, la France s’est donnée en 2017 un commandement interarmées entièrement dédié à la cyberguerre le Commandement Cyber (COMCYBER).
L’année suivante, une doctrine officielle de lutte informatique offensive a vu le jour pour la première fois ; les publications de la politique de lutte informatique défensive et de la lutte informatique d’influence ont suivi.

La cyberguerre a, en fait, déjà commencé et elle est permanente. Elle fait partie de ces nouveaux déséquilibres contemporains qui contournent désormais l’alternance classique du cycle paix-guerres.

  • En 2010, les Etats-Unis annonçaient déjà qu’ils considéreraient les cyberattaques comme des actes de guerre pouvant être militairement traités en retour.
  • À partir de 2013, émergeait aussi Outre-Atlantique la notion de « Pearl Harbor cybernétique ».
  • En France, le MINARM mais aussi les hôpitaux ou les mairies subissent très régulièrement des attaques majeures.

Tout en menant son exposé, le Colonel KESSLER-RACHEL développa – à partir d’exemples concrets du quotidien – un véritable questionnement sur la nécessité d’adopter une hygiène informatique.

  • La posture de défense est d’abord individuelle tant les failles dans les systèmes sont avant tout… humaines.
  • Projetant les lycéens dans un avenir professionnel proche, il les encouragea à porter cette sensibilisation au plus haut niveau de leur future entreprise en obtenant, par exemple, l’adhésion de leurs responsables de services et de direction sur la question de la cybersécurité.
  • L’enjeu peut sembler évident mais achoppe trop souvent sur les efforts budgétaires réclamés par une véritable traduction opérationnelle de la cyberdéfense sur le terrain… Il faut donc convaincre de l’intérêt de celle-ci pour le service, l’entreprise, voire pour la stratégie globale de cette dernière.
  • (1) Cf. Il est l’auteur de plusieurs articles sur le sujet avec entre autres BUSSER (Marion) et KESSLER-RACHEL (Thierry), « La culture du choc. Fluctuat nec mergiteur », in DSI, 148, juillet-août 2020, pp. 84-87. BUSSER (Marion) et KESSLER-RACHEL (Thierry), « Y a-t-il un pilote dans la donnée ? », in Revue Défense Nationale, 847, 2022/2, pp. 93-98. BUSSER (Marion) et KESSLER-RACHEL (Thierry), « La donnée et la guerre : vers la guerre « donnée-centrée » ? », in Revue Défense Nationale, 854, 2022/9, pp. 18-23.
  • (2) Cf. Le JDEF du 27 juin 2022 « Cyber, un combat virtuel bien réel » pour approfondir.

Colloque Cyber du 9 mai 2023 à Rochefort

IHEDN Colloque Cyber du 9 mai. Remerciements.

Au nom de notre association régionale des Auditeurs de l’IHEDN, je vous transmets mes sincères remerciements pour votre engagement lors de notre colloque cyber du 9 mai.

Vous trouverez, en pièces jointes, deux photos de la salle, qui montrent toute l’attention, notamment des jeunes, au propos que vous avez développés. 

Je remercie également le comité IHEDN de Charente-Maritime, pour sa participation active hier, de même que nos camarades de la Charente, de la Vienne, et des Deux-Sèvres, pour leur soutien. Une mention particulière au groupe de travail qui a réalisé la présentation en boucle traitant des conseils d’hygiène numérique. Cette présentation est disponible sur notre site Internet ihednpoitoucharentes.fr
https://ihednpoitoucharentes.fr/archives/4355

Encore Merci…et probablement à l’année prochaine.

Paul MorinPrésident de l’AR-18 [IHEDN Poitou-Charentes]

Perception de la France et de ses entreprises en Afrique

Par Patrick SEVAISTRE et de Jean-Marc BRAULT de BOURNONVILLE

Patrick Sevaistre : Président de la Commission « Institutions Européennes » du CIAN [Conseil français des investisseurs en Afrique].
Jean-Marc Brault de Bournonville : Ancien directeur de différentes filiales AGF en Afrique et ancien Président des Conseillers du Commerce extérieur de la France.

Les conférences du général Philippe MOUNIER

Publié le  par Christian CHAUVET

À lire en ligne ou à télécharger, les différentes conférences.

Cedant Arma Togae

– Montpellier le 10 novembre 2022. Montage de Guy RAGEOT, le Ouèbemaître [Saint-Cyr – Serment de 1914 1965]
– Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts de La Rochelle
Mercredi 15 mars 2023 à 17 h 00
Bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle 28 rue Albert 1er – La Rochelle (17000)

Traités Sèvres 1920 – Lausanne 1923

Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts de La Rochelle
Conférence du Général Philippe Mounier
Les Traités de Sèvres 1920 et de Lausanne 1923
Mercredi 16 février 2022 à 17 h 00
Bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle 28 rue Albert 1er – La Rochelle (17000)

Analyse de l’actualité économique – Janvier 2023

Par Jacques-Louis KESZLER et Olivier PASSET

Depuis plus de trente ans Jacques-Louis KESZLER accompagne les PME dans leur adaptation au monde qui change, dans leur stratégie de marges et dans l’animation de leur personnel pour lui faire donner le meilleur de lui-même.
– Consultant Associé chez KESZLER & Compagnie (1997 à aujourd’hui).
– Gérant de la PME Visuel F Conseil dans le cadre de son redressement (2000-2004).
– Gérant de l’institut de recherche et d’action commerciale de Paris (1998-2000).
– Directeur fondateur de l’école supérieure de commerce de La Rochelle [Excellia] (1988-1996).

Olivier PASSET est économiste et directeur des synthèses économiques chez Xerfi. Il est notamment chargé du suivi des politiques économiques et des mutations de l’appareil de production.

19 oct. 2022 – La guerre en Ukraine, nous place face à une nouvelle polarisation du monde, entre l’Occident développé, sous leadership américain, et l’Orient émergent qui conteste ce leadership. À travers cette fracture, sans rigueur géographique, c’est la rivalité entre deux blocs d’intérêts que nous pointons. […]
16 nov. 2022 – Quelque chose cloche encore et toujours dans la compétitivité hexagonale. Voici bientôt 10 ans que la France est engagée dans des politiques de l’offre. Modérant la hausse du salaire minimum. Allégeant la fiscalité sur les entreprises et poursuivant la baisse des charges sur les bas et moyens salaires. […]