Défense économique

Par Jean-Marc Brault de Bournonville – Président d’honneur de la Commission Océan Indien des conseillers du commerce extérieur de la France et parrainé par :
Nicolas Moinet – Professeur des universités en Intelligence économique.
Alain Juillet – Dirigeant d’entreprises et haut fonctionnaire français.

Plan

  1. La veille : consiste à identifier et collecter des informations, dans le but de les maîtriser et de les utiliser à bon escient. (acquérir de l’information stratégique et pertinente).
  2. La protection : consiste à protéger les informations sensibles de l’entreprise afin que celles-ci ne soient pas découvertes par d’autres, notamment les concurrents directs ou indirects. Cette protection des informations permet de pérenniser l’entreprise.
  3. L’influence : consiste à faire connaître ses besoins, à valoriser son image en interne comme en externe. (propager des information ou des normes de comportement et d’interprétation qui favorisent sa stratégie).

Guerre juste ? Un idéal !

Guerre juste : oxymore,  paradoxe ou dilemme ? Un idéal !
🇫🇷 Article proposé par le Général (2S) Philippe MOUNIER 🇫🇷

Affirmer que le questionnement humain sur la notion de « Guerre juste » provient des profondeurs de l’Histoire de l’Humanité relève d’une  tautologie. C’est pourtant la vérité. L’Homme se pose la question depuis qu’il arrive par la maîtrise d’une écriture transmissible à reproduire sa pensée. Et fort probablement, avant.
Dès l’Antiquité les penseurs, comme Cicéron, se posent la question du rapport entre guerre et justice, mais aussi entre guerre et justesse. Cette démarche a couru le long des siècles, grandement portée par les religions. Elle est devenue cruciale lors des deux hécatombes mondiales du XXème siècle.
La forme nouvelle prise par les guerres en ce début du XXIème, largement amplifiée par le phénomène de la communication globale, nous oblige fortement à repenser cette problématique. « Guerre juste » : à défaut d’être un oxymore, cette formule relève du paradoxe.
La guerre, c’est le mal ; la paix, donc la justice, c’est le bien.
Cette notion est véritablement manichéenne. Comment peut-on faire coexister dans cette formule deux termes fondamentalement antinomiques ? Face à l’horreur qu’elle génère, la guerre peut-elle être moralement justifiée ? La réponse à cette question est à la fois éternelle et temporelle. La guerre est pérenne, mais elle est le reflet de son époque. On peut en dire autant de la justice. Fénelon écrit que  « La guerre est un mal qui déshonore le genre humain ».
Gaston Bouthoul lui répond dans Le phénomène – guerre « Il y a peu de phénomènes sociaux qui soient aussi répandus que la guerre ». Que choisir entre déshonneur et profusion ? Rien ! La « guerre juste »  reste un idéal humain, difficile à atteindre, mais qu’il ne faut pas abandonner. Il convient donc pour débroussailler cette épineuse question de commencer par en revenir aux définitions et d’en fixer le cadre espace-temps. Sans entrer dans les détails d’une érudition qui alourdirait cette étude, nous aborderons ensuite l’évolution de ce concept au fil du temps. La présentation des positions quasi-unanimement acceptées aujourd’hui nous permettra de suspendre temporairement un débat dont on peut dire qu’il est éternel et dont nous espérons qu’il aura provoqué dans l’esprit du lecteur une sage réflexion.

Définir la guerre est tout d’abord indispensable. Tout le monde pense savoir ce qu’est la guerre. Les uns l’ont faite, les autres l’ont subie, les derniers y assistent quotidiennement par écran et commentaires interposés. Il nous faut sortir des idées reçues. Le dictionnaire le Petit Robert, bible du langage courant, nous dit très simplement : « La guerre est une lutte armée entre groupes sociaux, particulièrement entre États, considérée comme un phénomène social».
On relève que finalement les États ne sont que parties prenantes des groupes sociaux et que c’est ce second terme qui est primordial. L’Histoire nous montre que ce ne sont pas systématiquement les Etats qui mènent la guerre. En quoi le FLN,  l’IRA, l’ETA, l’OLP, sont-ils  des Etats ? En outre, cette définition est très générale. Elle recouvre et occulte à la fois les notions de guerres ethniques, de  guerres civiles, de guerres de religion, de guerres saintes, de guerres coloniales, de guerres de conquête, de guerres de résistance, de guerres des partisans, de guerres commerciales, aujourd’hui de guerres économiques, de guerres cybernétiques,  de guerres de la communication ; ces trois dernières ne causant la mort que de façon indirecte, par procuration. Elle recouvre aussi tous les temps, tous les continents, toutes les populations, sous toutes les conditions géographiques, climatiques, démographiques, économiques, diplomatiques, politiques, religieuses ou culturelles.
La guerre est bien un phénomène historique et universel qui semble posséder un caractère irréductible et pérenne. Mais Bouthoul nous rappelle, dans l’ouvrage déjà cité, que ce ne sont pas les guerres qui au fil du temps ont causé le plus de morts : les épidémies, la famine, les catastrophes naturelles ont fait des ravages. La « Peste Noire » au XVème siècle a tué de 30 à 50 % de la population de l’Europe ; l’épidémie de « Grippe espagnole » en 1918-1919 a fait plus de victimes que la 1ère Guerre Mondiale. 

Vient ensuite l’adjectif « juste ». Cet adjectif peut être compris sous le triple sens de « justice », de « justesse » et de « justification ». Est juste ce qui est moral, conforme à la justice, au droit, à l’équité ;  et aussi ce qui est logique, raisonnable, rationnel, vrai ; en outre, ce qui est exact, authentique ;  mais encore, ce qui est contraint et serré et également ce qui est proportionnel. On parlera aussi bien d’un juste poids que d’une juste sanction ou d’une juste intervention, d’une idée juste, ou d’un budget un peu juste. En fait, la notion de « juste » est fortement subjective, même si elle est aujourd’hui plus encadrée par la justice internationale. L’archétype de l’ambiguïté de l’emploi de cet adjectif est l’usage qu’en ont fait les adversaires pendant la Première Guerre Mondiale.
Dans la propagande, la « Com » de l’époque, qui sévissait, les Églises ont ainsi été largement mises à contribution. Le ceinturon des soldats allemands était frappé de la formule « Gott mit uns » (Dieu avec nous). Dieu n’est-il pas la représentation idéale de la justice ? Les cartes postales françaises, peuplées de religieuses compatissantes, de Christs triomphants, de crucifix,  de monuments religieux, exaltaient la foi qui permettait d’oublier l’horreur des tranchées et de gagner une guerre juste. La guerre était donc juste des deux côtés du front. Cela se termina au traité de Versailles dans lequel, pour la première fois dans l’Histoire du monde, un vaincu fût déclaré responsable et coupable et son chef, le Kaiser, fût assigné en justice (à laquelle il échappa cependant). 

On peut dire que deux conflits, menés sur le même espace, à un peu plus de dix ans d’intervalle illustrent parfaitement cette problématique. La première Guerre du Golfe, en 1990-1991 eut pour départ la soif de justice du dictateur irakien Saddam Hussein. Ce dernier réclamait justice pour les huit ans passés à faire la guerre à l’Iran avec l’appui de l’Occident et le financement des pétromonarchies, déjà sunnites contre chiites. Ces monarchies lui avaient refusé le moratoire ou l’annulation des dettes qu’il avait contractées auprès d’elles pour faire la guerre à leur place. En outre, le Koweït avait de façon lointaine appartenu au califat turc, qui étendait une tutelle débonnaire jusqu’à Bagdad et la Mésopotamie. Le Koweït était, pour Saddam,  fort justement  mésopotamien, donc irakien, avant d’avoir été arbitrairement créé par les Britanniques en 1922-23 aux accords d’Akir. Le tout baignait, des deux côtés, dans le pétrole. L’Irak se sentait dans une juste cause. Mais, malheureusement pour lui, il était le seul à le penser. Une hétéroclite coalition internationale, cependant fondée sur la justice,  se rassemblât sous l’hégémonie américaine, avec la bénédiction de l’ONU, seule ordonnatrice officielle des guerres. Justice contre justice. La raison du plus fort fût une fois de plus la meilleure. Douze ans plus tard, après une décennie passée par les anglo-saxons à bombarder le pays, l’Irak fût à nouveau envahi, par les États-Unis, sans aval de l’ONU toutefois, sous le fallacieux prétexte de la possession d’armes de destruction massive qui n’existaient plus. Où se situe donc ici la justice, si ce n’est dans le seul esprit des attaquants ? Aujourd’hui, le combat pour la justice en Irak est mené par Daesch…,  réponse à la malheureuse intervention américaine.

C’est bien pour cela que depuis la nuit des temps les Hommes se sont évertués à fixer des limites à la guerre en glosant sur la notion de justice dans la guerre. Les plus anciennes traces remontent à la Chine du VIème siècle av. J.C., époque de Sun Tzu qui montre déjà des orientations morales. Ainsi écrit-il dans L’art de la guerre  « N’entrave pas une armée qui s’en revient chez elle. Ne manque pas de laisser une issue à une armée encerclée ». Mansuétude que ne connaissaient pas les Perses exterminateurs à la même époque. La Bible déterminait alors des guerres justes, toujours gagnées et des guerres injustes, toujours perdues. Plus tard, au 1er siècle av. J.C. Cicéron introduit vraiment dans la guerre les idées de justice et d’humanisme. Ainsi écrit-il dans De Officiis livre I chapitre XI : «  C’est pour vivre en paix sans injustice qu’il faut entreprendre une guerre et la victoire acquise, on doit laisser vivre les adversaires qui, pendant la durée des hostilités n’ont pas montré de cruauté, pas offensé l’humanité. » et « …une guerre ne peut être juste si elle n’a pas été précédée d’une réclamation en forme, ou d’une dénonciation et d’une déclaration ».
Les siècles qui suivirent, marqués en Europe, en Afrique du Nord et en Asie occidentale par la chute de l’empire romain d’occident et les grandes invasions, ne brillèrent pas par leur humanisme. Une voix cependant s’éleva, voix de l’église chrétienne, celle de saint Augustin d’Hippone, au Vème siècle. Celui-ci conçoit la guerre comme le mal absolu. Mais, sur les bases de la Bible et sur les fondements de sa culture romaine, il détermine dix principes fondamentaux, dont la plupart se retrouvent encore aujourd’hui.
La guerre préventive, protection du faible contre le méchant, peut être un devoir.
La guerre pour imposer la foi est interdite. Il ne faut jamais être l’agresseur.
La guerre ne peut être civile. La décision de s’engager relève de la seule autorité publique. Le droit doit alors être moralement certain. Mais la guerre doit être menée dans une intention droite. Une éthique de la guerre et à la guerre doit exister (à rapprocher des actuels jus ad bellum et jus in bello).
L’objectif de la guerre est la paix. Il ne faut en aucun cas mener de guerre aventureuse.
À partir du VIIème siècle, l’Islam introduit la notion de « Djihad », guerre sacrée, donc  juste par essence. Les préceptes de Saint Augustin ne sont pas toujours suivis par les Chrétiens qui en sont les dépositaires. Les Croisades en relèvent pourtant. Reconquérir les Lieux Saints est un droit, même un devoir pour ceux-ci. Mais conquérir Constantinople pour payer ses dettes aux Vénitiens est-il juste ? Assurément non. La riposte des Arabes, menacés, conquis, colonisés n’est elle-pas, elle aussi, juste ? Nous retombons toujours sur le côté subjectif de la question. Le dilemme reste permanent. Une guerre juste se livre dans un cadre légal, une guerre sainte se livre dans un cadre religieux.

Saint Thomas d’Aquin, au XIIème siècle, veut établir la synthèse de la foi et de la raison.
Il fait de la paix un acte de vertu sublime. Essayant de trancher entre le bien et le mal, il reprend en les synthétisant les idées majeures de Saint Augustin. La décision d’une guerre doit être prise par une autorité légitime. La cause soutenue doit être juste et relever de la notion de légitime défense. L’intention de la guerre doit être juste et se faire pour la défense du bien commun. Et la guerre continue ses ravages. La guerre de Cent Ans, née d’une divergence d’appréciation sur les droits de succession des femmes sur le trône entre les Anglais et les Français, est légalement juste pour les Anglais qui appliquent le droit. Elle est juste, par essence, pour les Français qui, à travers l’exemple de  Jeanne d’Arc, luttent pour l’existence de leur pays. Peut-on en cette fin du Moyen-Age et sous la Renaissance trouver beaucoup de conflits correspondant aux exigences d’Augustin et de Thomas ?
Machiavel, penseur politique et stratège, écrit au XVIème siècle « Une guerre est juste quand elle est nécessaire ». La notion de nécessité est relative.  
La notion de justice rejoint celle de légitimité qui est plus formalisée. Mais la morale se situe au-dessus de la légitimité. Ainsi le pouvoir d’Hitler en Allemagne dans la fin des années 1930 est légitime, car issu d’une élection. Sa façon de l’exercer est-elle  pour autant morale ?

Au XVIIème siècle, Hugo Grotius, juriste hollandais protestant, fait une synthèse entre les thèses antiques et chrétiennes, les idées de l’École de Salamanque et la doctrine de la souveraineté des États. Il laïcise le concept de guerre juste, jusque-là imprégné du fait religieux. Pour lui, la guerre est licite car elle est un acte de souveraineté, à condition qu’elle réponde à une atteinte aux droits fondamentaux que le droit naturel reconnaît aux États souverains. Ainsi, la guerre ne doit pas être rejetée si elle vise à préserver les droits fondamentaux de l’Homme. L’espoir de paix doit alors passer par une codification des usages et un perfectionnement des conventions entre les États. Le triomphe des idées professées par Grotius, mort en 1645, se retrouve dans les clauses du traité de Westphalie. Celui-ci, mettant fin en 1648 à la guerre de Trente ans, place en exergue le rôle des Éats dans la constitution d’un état de paix en application des principes de souveraineté interne, de souveraineté externe  et d’équilibre des puissances. La charte  et  les propositions de l’ONU, portent encore aujourd’hui la marque de ce philosophe.
Pascal, peu de temps après nous dit : « La justice sans la force est impuissante ». Il présente ainsi un lien formel entre les deux notions.
Spinoza, reprenant les idées du Hollandais pense, lui, que « La guerre ne peut être entreprise qu’en vue de la paix et d’une paix qui soit celle non de la servitude mais d’une population libre », idée qu’illustre actuellement l’opération Barkhane. Le XVIIIème voit se continuer les discussions, le plus souvent philosophiques, sur le droit de la guerre.
Kant, pacifiste convaincu, écrit « Quant à la guerre elle-même, elle n’a besoin d’aucun mobile particulier ; elle semble au contraire greffée sur la nature humaine et même passer pour un acte noble auquel l’homme est porté par l’instinct de l’honneur et non par les ressorts de l’intérêt particulier ». Il nous donne également cette idée que l’on retrouve encore aujourd’hui : « Le but de la guerre reste de rétablir le droit et non pas d’exterminer son adversaire », doctrine qui présidera aux actes d’accusation du procès de Nuremberg.
Mais, après les guerres compassées et économes en hommes de ce siècle des Lumières,  nous verrons la Révolution française et l’Empire fouler aux pieds ces quelques avancées. Pour le révolutionnaire, la guerre déclarée à l’Europe en 1792 est une guerre juste, car elle oppose la France aux tyrans qui veulent l’étouffer. A contrario la notion de justice ne concerne nullement les guerres de Vendée, guerre civile et religieuse. De quel droit Bonaparte débarque-t-il en Egypte ? De quel droit Napoléon mène-t-il la guerre en Espagne, en Russie ? Nous en arrivons ainsi à la « Guerre totale », dont la première définition a été donnée par Clausewitz, et la justification par le général Ludendorff dans La guerre totale, publiée en France en 1937.
Mais, les guerres commerciales ou les guerres coloniales livrées tout au long du XIXème possèdent-elles ce caractère moral ardemment revendiqué par les Européens.
La guerre de l’opium menée contre la Chine par les Anglais de 1839 à 1842 répond-elle aux impératifs de la justice ?
Les guerres coloniales menées par Jules Ferry au nom du devoir des E1tats avancés d’amener la civilisation aux peuplades arriérées sont-elles justifiées ? 

Cependant des avancées ont lieu. La première est la création de la Croix-Rouge dont l’acte fondateur, par Henri Dunant,  se situe à la bataille de Solferino en 1859. Il ne s’agit pas encore de justifier la guerre, mais d’en humaniser les conséquences. D’autres progrès suivent.
Le droit de Genève, établi sous les auspices du Comité International de la Croix Rouge, vise à protéger les victimes des conflits.
Le droit de La Haye, issu des conférences sur la paix de 1899 et 1907, porte, quant à lui, sur le contrôle des moyens et des méthodes utilisés. Le caractère fondamentalement inhumain des deux guerres mondiales et l’étonnement profond qu’elles causent dans le monde, qui les menait cependant, amènent à la signature de conventions internationales. Ce phénomène est amplifié par les guerres de décolonisation et les conflits de la guerre froide. Ces conventions interdisent, limitent ou réglementent l’emploi de certaines armes et de certaines munitions (armes chimiques et bactériologiques, mines antipersonnel, balles explosives, etc.).
Les tribunaux pénaux internationaux, comme celui de La Haye, complètent cette action. La guerre ne devient pas pour autant licite, mais  elle s’humanise.
Mais ce sont surtout la Société des Nations, puis l’Organisation des Nations Unies, qui ont présidé à l’évolution du droit de la guerre en admettant les sanctions, puis  le  droit d’ingérence et le principe de précaution. Certes, dans l’ONU actuelle, le droit de reconnaître la pertinence, l’opportunité et la validité d’un conflit, relève du Conseil de Sécurité. N’importe lequel des cinq membres permanents peut décider égoïstement, par l’utilisation de son droit de veto, d’interdire une quelconque intervention, par ailleurs justifiée. Les limites de la justice sont vite atteintes. Mais surtout, il serait indispensable que le droit de la guerre soit reconnu et appliqué par tous. En quoi l’action d’Al Qaïda ou de Daesch, celle des pirates somaliens, celle des Etats-Unis à Guantanamo, répondent-elles à ces exigences ? L’idéologie, le fanatisme, l’intérêt, qu’il soit étatique, national ou clanique, les relativisent amplement, voire les annihilent. Daesch a bien brûlé vif, bien que musulman, un pilote militaire jordanien prisonnier, enfermé dans une cage.
Des États n’ont pas signé, ou pas ratifié, ces fameux accords internationaux. L’Inde, le Pakistan, Israël n’ont pas signé le Traité de Non-Prolifération Nucléaire. La prolifération du terrorisme, la violence des guerres asymétriques bouleversent cet équilibre précaire. Les protagonistes n’appliquent pas les règles du jeu. Non seulement ils les ignorent, les bafouent, en plus ils les méprisent. Ils imposent leurs propres règles. Les Talibans afghans en offrent un parfait exemple. Pour eux,  la justice c’est eux-mêmes, ancrés dans leur sol,  leurs montagnes et leurs mentalités. Ce n’est pas « Enduring Freedom », qui ne fait que passer dans le paysage.

Il existe pourtant aujourd’hui une vision largement acceptée de la guerre juste, liée à la reconnaissance de principes moraux universels. Elle réside en l’application de trois formules latines : « Jus ad bellum » ; « Jus in bello » ; « Jus post bellum », définies par l’Américain Michaël Walzer dans Guerres justes et injustes, 1999.
Le « Jus ad bellum », droit de faire la guerre, doit obéir aux critères suivants. La cause doit être juste. L’autorité doit être légitime. L’usage de la force doit être encadré. Les intentions doivent être honnêtes. L’action est effectuée en dernier ressort, quand tous les moyens pour l’éviter ont été utilisés. Elle doit posséder une chance raisonnable de réussir.
Le « Jus in bello », le droit à respecter dans la guerre présente les caractères que voici. Il faut appliquer le principe de discrimination en différenciant les combattants des non-combattants. La réponse doit être proportionnelle à l’attaque. On doit économiser les pertes de part et d’autre. La responsabilité individuelle des chefs et des exécutants est engagée. Le respect de l’éthique et de la déontologie représente une force.
Le « Jus post bellum », le droit qui suit la guerre, nécessite ces actes. Le soutien des victimes suit le conflit. Les États assurent la démobilisation et la reconversion des combattants. Il faut mener une stratégie de réconciliation, de mémoire, de réparation ;  de justice et de construction de la paix. L’objectif de la guerre est bien la paix.

Monique Castillo nous dit : « Ainsi une fonction stratégique de la construction de la paix future s’ajouterait à la conduite même de la guerre, la force ne réduisant pas l’adversaire au statut de vaincu, mais venant le contraindre à faire le choix de se comporter en futur partenaire d’un monde pourvu de règles. ». Nous en revenons donc  aux règles dont la définition est toujours discutable et dont le respect reste aléatoire. La « guerre juste » reste bien un idéal que l’atteinte de la  paix dans le  monde nous oblige moralement à perpétuer.

Je reprends mon propos quelques années plus tard.
Nous voyons aujourd’hui le terrorisme compléter la guerre, comme au Bataclan en 2015 ; ou la remplacer, comme dans l’attaque surprise du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023.
Il me paraît évident que la notion de guerre juste s’avère aujourd’hui face à l’usure des faits, une conception typiquement occidentale, comme celles de la création de la SDN ou de l’ONU. Cette conception, après s’être heurtée aux totalitarismes nazi et soviétique, se fracasse contre une lecture fondamentaliste du Coran. En effet le livre saint des musulmans, et son complément, les hadiths, magnifie la violence et la mort face aux infidèles. Elle idéalise le martyre. Pour le parfait musulman, tout ce qui relève de ses écritures est bon, donc juste. Les attentats du World Trade Center sont justes. La révolte palestinienne est plus que justifiée. Elle est fondamentalement juste. L’action terroriste du Hamas est juste. Mais, pour les Occidentaux, et quelques rares autres, la riposte d’Israël est juste, car elle répond à une attaque de plein fouet. La riposte est-elle proportionnelle à l’attaque, facteur de la guerre juste ? C’est selon. Dans un monde erratique, tout se relativise.
La notion de guerre juste est plus que jamais relative. Saint Augustin, Saint Thomas d’Aquin, Grotius et Kant sont bien loin.

Philippe Mounier

Analyse de l’actualité économique – Novembre 2023

Par Jacques-Louis KESZLER

Depuis plus de trente ans Jacques-Louis KESZLER accompagne les PME dans leur adaptation au monde qui change, dans leur stratégie de marges et dans l’animation de leur personnel pour lui faire donner le meilleur de lui-même.
– Consultant Associé chez KESZLER & Compagnie (1997 à aujourd’hui).
– Gérant de la PME Visuel F Conseil dans le cadre de son redressement (2000-2004).
– Gérant de l’institut de recherche et d’action commerciale de Paris (1998-2000).
– Directeur fondateur de l’école supérieure de commerce de La Rochelle [Excellia] (1988-1996).

Alexandre-Mirlicourtois-La-perte-de-souverainete-economique-de-la-France

L’attentat du DRAKKAR

L’attentat du DRAKKAR, le 23 octobre 1983 à Beyrouth
par le général (2s) Jean-Claude CARDINAL
Chef de corps du 1er RCP entre 1982 et 1984

En bonus, disponible au téléchargement en fin de page, un article de Éric de Verdelhan : « Le Drakkar » : 23 octobre 1983.
Aujourd’hui, je veux vous parler d’un attentat qui remonte à 40 ans et rendre hommage au lieutenant Antoine de la Batie, mort à Beyrouth le 23 octobre 1983, avec 57 parachutistes français, dans l’explosion de l’immeuble « Le Drakkar »…

Formation au comportement à l’ENSOA

École nationale des sous-officiers d’active
Le concept andragogique de la formation au comportement à l’ENSOA
Par Denis ROUSSEL – IHEDN Poitou-Charentes [Comité Deux-Sévriens]

Dans les précédents bulletins de l’AMOPA 79, nous vous avions présenté plusieurs innovations pédagogiques réalisées dans divers établissements scolaires du département. Cette année, nous avons souhaité vous faire découvrir la singularité et la modernité de la formation professionnelle supérieure de l’école nationale des sous-officiers d’active, sise à Saint-Maixent-l’École. 

Créée en 1963, (*1) l’ENSOA est une école de commandement qui forme de futurs chefs, à la fois chargés du commandement de contact mais qui sont aussi des techniciens sur lesquels les officiers vont s’appuyer dans des domaines de spécialités très variés. Son cœur de métier est d’assurer la formation générale de tous les sous-officiers(active et réserve) dont l’armée de terre a besoin (38.500 sur un effectif total de 130.000 militaires). Sa mission principale est donc d’assurer la formation générale de 1er niveau (formation initiales), ainsi que la formation générale de 2ème niveau (formation de perfectionnement) de l’ensemble des sous-officiers de l’armée de Terre, quelle que soit leur spécialité. Elle composée de 600 personnels permanents (dont des enseignants de l’Éducation nationale), qui accueillent quotidiennement plus de 1300 stagiaires. Elle a formé plus de 150.000 élèves depuis 60 ans (*2) et, pour répondre aux enjeux actuels de la défense nationale et européenne (risques de guerre de « haute intensité »), dans notre monde instable et dangereux, elle formera de 6.000 à 7.000 élèves et stagiaires chaque année, d’ici 2026 (*3), répartis dans 5 bataillons (de 300 à 1200 soldats l’unité) constitués chacun de 2 compagnies (de 100 à 250 soldats chacune).   

En 2009, elle est devenue la Maison-mère des sous-officiers, seule référente en France, en matière d’andragogie dans la formation des futurs cadres de l’armée de terre et des futurs formateurs du quotidien que sont les chefs (le galon de sergent est le premier de sous-officier). La formation générale de 1er niveau a été initiée en 1998 et celle des réservistes en 2005, avec une partie de la formation générale de 2ème niveau. Elle organise et évalue une formation générale et professionnelle, initiale et continue, exigeante.

Un partenariat avec de grandes écoles et une dimension internationale

La formation générale de 1er niveau a pour objectif de faire acquérir au futur sous-officier, quel que soit son recrutement (interne ou externe), un comportement se manifestant aux plans moral, physique et intellectuel, par une aptitude à commander, instruire et éduquer un groupe d’une dizaine d’hommes conformément à l’éthique militaire, au respect de la dignité des hommes et au respect des lois de la nation

La formation initiale varie de 4 à 8 mois en fonction du recrutement 

Durant sa scolarité, variant de 4 mois (25,5 ans en moyenne avec 75% de bac et 5,5 ans de service dans le corps de troupe dont 13% de femmes) à 8 mois (21,8 ans en moyenne recruté dans le civil avec 40% de bac+2, avec un taux de féminisation de 22%, en hausse de 1 à 2 % par an) selon son recrutement, le futur sous-officier cultivera savoir-faire et savoir-être (pour savoir agir), fermeté du caractère et capacité à maîtriser la force, dans le respect de la dignité humaine. Cette formation élémentaire de soldat et de chef, qui est au centre de la conquête de la supériorité opérationnelle de l’armée de terre, est complétée par une formation spécialisée de 1er niveau (en école de spécialité) et s’achève par l’attribution du Brevet de spécialiste de l’armée de Terre (BSAT). 

La cérémonie de remise de galons symbolise l’achèvement de leur formation et donc leur aptitude à exercer de responsabilités humaines et techniques. (*4)

Certification professionnelle de niveau 5 : « Assistant management opérationnel » 

La formation générale de 2ème niveau se présente sous la forme d’un stage de perfectionnement de 2 semaines. Elle consiste à fournir à chaque sous-officier les connaissances théoriques et les compétences tactiques, les méthodes de réflexion et les outild’aide à la décision complémentaires à l’instruction dispensée lors de la formation initiale le rendant apte à remplacer son chef de section. Elle prépare ainsi le sous-officier, après 5 à 6 années de service, à sa deuxième partie de carrière qui le conduira progressivement à de plus hautes responsabilités. Cette formation est complétée par une formation technique de 2ème niveau (en école de spécialité) et se termine par l’attribution du Brevet supérieur de technicien de l’armée de Terre (BSTAT), qui confère à terme l’aptitude à exercer le commandement d’environ 30 hommes. La formation de 5 mois suivie de 3 semaines de stage lui permet d’obtenir une Certification professionnelle de niveau 5 : « Assistant management opérationnel »

L’ENSOA est également responsable du suivi de la préparation de l’examen conditionnant l’accès à cette formation. Cette préparation d’une année se déroule au sein des formations d’emploi des candidats (enseignement à distance).

Préparations et concours, stages et formations

L‘ENSOA assure une préparation aux différents concours et examens qui jalonnent la carrière d’un sous-officier. Elle organise une préparation militaire supérieure annuelle d’une durée de trois semaines. En partenariat avec de grandes écoles (INSEEC et IPAG), l’école organise des préparations militaires découverte d’une semaine au cours desquelles des étudiants, futurs cadres d’entreprise, sont mis en situation de leadership et de prise de décisions dans un contexte de fatigue et de stress. Elle organise également différents stages comme le « stage annuel des Présidents des sous-officiers de l’armée de terre » ; celui des « Formateurs de formateurs » ou encore celui des « Référents instruction des régiments ». Elle participe par ailleurs à des journées « Enseigner la défense » avec des professeurs du public et du privé sous l’Égide du « Trinôme académique » (*5). Enfin, elle accueille chaque année scolaire une promotion mixte d’une cinquantaine de collégiens « Cadets de la défense ». Enfin, dans le cadre de la rénovation de l’approche partenariale entre l’armée de terre et des pays africains francophones, l’ENSOA accueille, depuis 2023, des élèves sous-officiers en provenance notamment de la République de Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Gabon. Ce partage de compétences vise à contribuer concrètement à la stabilité régionale en Afrique centrale comme en Afrique de l’Ouest et à l’interopérabilité entre nos armées. Plusieurs autres délégations étrangères sont régulièrement accueillies dans cette école à la réputation internationale bien affirmée.

« L’École te formera dans un creuset d’acier… » (*6)

La direction générale de la formation comprend 3 divisions : la division « Formation au comportement et à l’enseignement général » ; la division « Instruction et entraînement militaire » et la division « Entraînement physique militaire et sportif ».

La formation au comportement militaire à l’aune des Forces morales est donc l’une des trois composantes essentielles (Savoir (10%), Savoir-faire (70%) et Savoir être (20%)) de la formation générale du militaire. Elle concerne tous les soldats et tous les niveaux hiérarchiques. Elle permet l’acquisition de compétences spécifiques indispensables aux militaires, à savoir : le commandement, le comportement, la pédagogie, l’éducation, la communication et le positionnement. L’enseignement de cette matière implique un investissement permanent et une exemplarité des cadres fédérant de manière immanente toutes les qualités du CHEF.

La formation au comportement militaire, qui est « le ciment de la formation » recherche le développement éthique de la personne suivant 4 axes : l’Homme, le citoyen, le soldat et le chef

Clef de voûte des formations de ce cursus, elle en garantit la cohérence d’ensemble au travers des 5 savoirs suivants :

  • Se situer : Comprendre l’environnement dans lequel le combattant va évoluer ;
  • Commander : Gérer avec intelligence, en s’adaptant aux situations ;
  • Communiquer : Faire passer un message tout en restant à l’écoute ;
  • Instruire : Transmettre des savoirs faire, des connaissances ;
  • Éduquer : Développer la personnalité de chacun et la culture militaire.

Cet enrichissement intellectuel et immatériel du sergent participe au « renforcement du lien à l’institution et au corps des sous-officiers et scelle les fondations de l’esprit guerrier ».

Cette mission de la formation au comportement militaire est renforcée par la mise en œuvre, depuis 2 ans, du projet pédagogique @ssiMili fondé sur un rythme d’apprentissage, qui possède 3 finalités : – Permettre aux élèves de comprendre et de mémoriser sur le long terme une formation dense dans un environnement nouveau ; 

  • Adapter l’outil de formation et la pédagogie à une population digital native
  • Former les futurs formateurs de l’armée de Terre. 

Le TTA 150 de 2022, Un référentiel d’animation de la politique métiers

Le « Texte toutes armes 150 », validé par la Direction des ressources humaines de l’armée de Terre (DRHAT) est un document destiné aux cadres de contact de l’armée de terre, de toutes les armes et services, leur permettant d’acquérir, de maintenir et d’enrichir les connaissances indispensables à l’exercice de leur métier. Dans le cadre de leur responsabilité liée à la fonction d’instructeur, d’éducateur, de formateur et de chef. Il se compose de 22 titres soit un peu plus de 3.000 pages. Dans le « Titre III : Le rôle du formateur » on y trouve les fondements de la formation militaire (programme, progression et procédure d’évaluation) ; la méthode et les outils pédagogiques de préparation d’une séance, ainsi que les conditions de réalisation d’une formation d’adultes de qualité.

Une pédagogie active qui utilise les sciences cognitives et des outils numériques

La cellule FCM est forte de 8 formateurs experts vise à faire de ces jeunes gens de futurs cadres « au contact » en maintenant toujours « l’Humain au centre du dispositif ». Cette composante de la formation initiale s’appuie sur les 4 piliers de l’apprentissage décrits par Stanislas DEHAENE (*7) que sont l’attention, l’engagement actif, le retour d’information et la consolidation mnésique. Elle développe et diffuse une pédagogie active innovante intégrant les sciences cognitives (*8) qui se traduit au quotidien au travers de 4 axes principaux : 

a) l’adaptation où chaque face à face pédagogique propose « une rupture de rythme » afin de permettre la relance de l’attention. Cette rupture, libre de forme, se matérialise par l’utilisation d’outils numériques (Socrative ; Kahoot ; Plickers ; Mindomo et Mindmap pour les cartes mentales ; 2000 tablettes numériques, smartphones et logiciels d’apprentissage…) (*9) ou tout autres procédés plus traditionnels. De même, l’accès permanent (H24 et 7/7) à la Musette numérique du sous-officier (*10) permet aux stagiaires de différentes formations l’usage ad libitum de l’ensemble des cours, vidéos et tutoriels.

Ces applications sont utilisées de manière « programmée » : auto-évaluation avec feedback immédiat et corrections ; évaluer les stagiaires ; relancer leur attention (en milieu de cours) avec Plickers, par exemple et rendre plus attrayant pour les jeunes générations.

Chaque séance de formation a été repensée dans l’optique du « Moins mais mieux » afin d’alléger les cours tout en les recentrant sur les essentiels. 

b) La mise en pratique renforcée de la topographie et de la tactique par des mises en situation. Des parcours tactiques permanents permettent aux élèves de s’entraîner au travers d’exercices du cadre d’ordres d’une équipe. 

c) La personnalisation de la formation par la mise en place de temps de révision quotidiens intégrés à l’emploi du temps, durant lesquels les élèves réalisent des exercices ciblés destinés à les aider à préparer, mémoriser ou approfondir l’instruction dispensée. Ce créneau quotidien s’appuie sur l’emploi de moyens numériques individuels et permet un suivi au plus près de l’évolution des élèves, en particulier dans les cas de décrochage pour mettre en œuvre un suivi individualisé. 

d) L’implication et l’adhésion des cadres formés aux nouveaux outils pédagogiques et sensibilisés à une approche bienveillante basée sur l’acceptation de l’erreur et l’engagement actif de l’élève.    

L’École a aussi le projet d’utiliser des cours en ligne, des MOOC (Massive open online courses) qui sont des formations gratuites (initiales et continue), ouvertes et évolutives, interactives et ouvertes à tous, qui bénéficient des innovations issues du Web 2.0 et où l’apprentissage n’est plus vertical, de l’expert vers l’apprenant mais s’horizontalise grâce aux échanges entre apprenants et en lien avec l’équipe pédagogique (*11).

« Mieux apprendre à apprendre » et « Apprendre à mieux apprendre » 

Cette pédagogie permet aux formateurs de « mieux apprendre à apprendre » et aux élèves d’« apprendre à mieux apprendre » donc de comprendre et de mémoriser plus profondément et durablement. Il s’agit de rendre les stagiaires acteurs de leur formation tout en facilitant leur accès aux supports, outils et didacticiels. Cette « permanence de la formation » permet également aux stagiaires de combler leurs lacunes plus facilement. In fine, cette formation spécifique professionnelle singulière vise à élargir, pour chaque soldat, sa capacité d’acquisition de forces morales pour le développement de compétences permettant l’adaptation, la résilience morale et physique, la gestion des situations complexes et la prise de décisions dans l’incertitude. Toutes connaissances et compétences transférables ensuite dans la vie civile et professionnelle.

L’utilisation expérimentale de l’intelligence artificielle 

L’expérimentation en Intelligence artificielle consiste à tester, sur deux promotions de sous-officiers en formation générale de 2ème niveau, l’outil Deep Memory qui, à partir de flashcards (question/réponse) permet de réviser ses cours en s’interrogeant. L’Intelligence artificielle se situe donc ici à deux niveaux :

  • La génération automatique de question et réponse associée ;
  • La fréquence de la présentation de la question à l’élève est fonction de son taux de réussite précédent à la même question.

Cette pédagogie pro-active au service d’une formation qualifiante repose donc sur :

  • La prise en compte pragmatique des apports des sciences cognitives et des 4 piliers de l’attention ;
  • L’adaptation des séances de cours en prenant en compte la courbe de l’attention ;
  • Le recours aux outils numériques afin de la relancer ;
  • Les travaux personnels encadrés ;
  • La mise en place de parcours permanents à orientation tactique, topographique, etc… ;
  • La diffusion des bonnes pratiques numériques et pédagogiques ;
  • La diffusion des outils et moyens matériels (tablettes, routeurs 4G et Wifi professionnel).

Ces outils sont utilisés également pour « enrichir » les présentations (Prezi ; Wooclap…) (*12)

Une formation professionnelle post bac reconnue en constante évolution

Nous l’avons vu, les cours sont conçus par une cellule d’officiers formateurs experts, qui intègre à son programme les TICE (techniques d’information et de communication de l’enseignement) et leur mise en œuvre à vocation à être systématiséeCette évolution participe activement à l’avènement du combattant Scorpion (*13) et s’inscrit dans l’orientation prise par l’armée de terre dans son virage numérique. Les qualifications associées à la validation des acquis de l’expérience (VAE) permettent d’obtenir des équivalences dans le civil. La cellule FCM assure le suivi pédagogiques des instructeurs et travaille à finaliser des formations qualifiantes de cadre, en formation initiale, de formateur spécialisé confirmé et de concepteur pédagogique et formateur de formateur et même d’ingénieur de formation et responsable de projets. De même, elle s’investit dans des missions d’expertise auprès des lycées militaires et des Centres de formation initiale des militaires du rang (CFIM) notamment. 

On peut malgré tout se demander si ces formations intensives, dispensées aux élèves dans des périodes d’apprentissage, si contraintes du fait de limites budgétaires, ne seraient pas encore plus efficaces avec une semaine ou deux supplémentaires, compte tenu des enjeux et de la masse de connaissances nouvelles qui leur est nécessaire d’assimiler, pour les traduire en compétences opérationnelles. Une formation générale de 3ème niveau pour devenir Chef de section sera proposée en 2024- 2025.

Les membres de l’AMOPA 79, invités par le général Alain Didier, commandant l’ENSOA, auront l’occasion de découvrir l’école et ses formations, in situ, avant d’assister à un baptême de promotion, le jeudi 9 novembre 2023.   

Remerciements pour leur précieuse collaboration à :

  • Général de brigade Alain DIDIER, commandant l’ENSOA et la base de défense de Poitiers-Saint Maixent.
  • Flora MATTIUZZO, Ingénieur civil, conseiller pédagogie et prospective du général.
  • Chef de bataillon Marc CAPELLARO, référent de la formation au comportement du militaire.
  • Jean-François CAILLE, chargé de la certification professionnelle.


Notes
 :

  • (*1) Elle succède à l’Ecole militaire d’infanterie, créée en 1881. La ville de Saint Maixent a pu ajouter « l’Ecole » en 1926. En 1925 elle était l’Ecole d’infanterie et des chars de combat. Elle s’est vue attribuer la devise : « S’élever par l’effort » en 1990. Son insigne représente une main armée d’un glaive dont la symbolique est attachée à la formation des sous-officiers.
  • (*2) l’ENSOA a fêté ses 60 ans avec des évènements en juin 2023 et à l’occasion du 14 juillet.
  • (*3) « L’ENSOA s’agrandit et durcit ses formations », in La Nouvelle république, Deux-Sèvres- actualité, vendredi 23 septembre 2022.
  • (*4) 5 cérémonies rituelles rythment la FG1 : La remise de l’arme (dans les premiers jours) ; la remise des képis, symbole de l’accès au statut de soldat professionnel (à la fin du 1er mois) ; la présentation au drapeau (à la fin du 2ème mois) ; le baptême de la promotion (à la fin du 3ème mois) et la remise de galons (dernière semaine de formation).
  • (*5) « Des professeurs du public et du privé à l’ENSOA », in La Nouvelle république, Saint-Maixent, samedi 9 février 2019. Les enseignants civils interviennent notamment en anglais et en relations internationales.
  • (*6) Extrait de la marche de l’ENSOA : « Le jeune chef » composée en 1970.
  • (*7) Psychologue spécialisé en neuropsychologie, qui travaille sur les représentations mathématiques, la lecture, le langage et la conscience. Il préside le Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN)
  • (*8) A partir des travaux et des conseils pratiques d’Albert MOUKHEIBER, docteur en neurosciences cognitives et psychologue.
  • (*9Socrative pour améliorer l’engagement en classe, surveiller et évaluer l’apprentissage. Kahoot, plate-forme ludique utilisée comme technologie éducative pour réviser des connaissances et les évaluer avec des Quiz. Plickers : Application d’évaluation en classe inversée pour assurer le suivi des acquis essentiels et repérer les élèves en difficulté. Mindomo, logiciel de cartes mentales et conceptuelles pour développer des compétences essentielles d’apprentissage et de réflexion et la pensée critique en explorant des informations, en découvrant des éléments clefs et en identifiant leurs connexions avec des connaissances déjà acquises. Mindmap : cartographie mentale collaborative, pour organiser et structurer des idées, pour mieux mémoriser et retenir. 
  • (*10) Il s’agit d’une bibliothèque centrale de connaissances (base de cours officielle mise à jour régulièrement) utilisable tout le temps de la carrière, accessible sur tous supports numériques destinée à optimiser les formations. Le projet TENACE (Tablettes en environnement numérique pour l’accès en continu à l’Enseignement) rassemble de petits équipements et logiciels associés qui contribuent à la numérisation de la formation. Il concrétise la volonté de l’armée de terre de « former innovant et autrement »
  • (*11) Les MOOC sont une expérience d’apprentissage nouvelle et complémentaire. Ils sont intégrés à la politique de formation de l’ENSOA avec un bilan avec le formateur manager en fin de formation. Ils sont composés d’activités pédagogiques variées, de courtes vidéos animées de 5 à 10 minutes, de quiz, afin de vérifier l’acquisition des connaissances et d’exercices pratiques et travaux collaboratifs pour développer son réseau et ses compétences. Lorsque les épreuves sont complétées et réussies, l’étudiant peut valoriser son expérience grâce à un certificat de réussite. La dynamique de groupe est aussi privilégiée.
  • (*12Prezi : Logiciel de présentation pour faire des leçons attrayantes et faciles à mémoriser. Wooclap : Outil collaboratif pour interagir, capter l’attention et mesurer la compréhension.
  • (*13) le « programme Scorpion » vise à renouveler et moderniser les capacités de combat « au contact » de l’armée de Terre (dans des conflits de « haute intensité ») autour de nouvelles plateformes et d’un système d’information au combat unique

Les incendies d’espaces naturels en Deux-Sèvres 

par le Colonel Damien SALLIER – SDIS 79
Au profit des auditeurs IHEDN Poitou-Charentes

En  Europe, en 2022, 785 000 hectares sont partis en fumée. En France plus particulièrement, 72 000 ha ont brulé, de culture, de forêt, d’espaces naturels.  Les 3 feux hors norme survenus en Gironde (25 000 ha) ont alourdi un bilan déjà plus élevé que les moyennes décennales, comparable à ceux de 2003, 1989 et 1976. Plus de 19 711 départs de feux ont été comptabilisés au cours de la saison, dont 547 feux de plus de 5 hectares et 12 de plus de 1 000 hectares. 

Comme en Deux-Sèvres, c’est donc plus de 90 % des feux qui sont donc traités par les moyens de lutte avant qu’ils ne dépassent les 5 hectares, valorisant ainsi notre doctrine d’attaque des feux naissants. 

Si on peut voir la question des feux de végétation de manière globale, il faut aussi voir que la lutte contre ces feux diffère notablement selon qu’il s’agisse d’un feu de forêt, ou d’un feu de champ qu’il soit cultivé, d’herbe ou plus simplement des feux de broussailles. Avec 8% de surface boisée dans le département, le département est peu confronté au risque des feux de forêt. Par contre, 12è producteur de grande culture, 18e producteur de céréales, le département est particulièrement concerné par les feux de végétation. C’est 88% de la surface départementale qui occupe de terres agricoles, avec 450 000ha. 

Selon le ministère de l’agriculture, on parle d’incendie de forêt lorsque le feu couvre une surface minimale de 0,5 hectare d’un seul tenant et qu’une partie au moins des étages arbustifs et/ou arborés est détruite. Ces feux dégagent une puissance calorifique importante, se propagent selon des caractéristiques propres et nécessitent des moyens de lutte suffisamment manœuvrables pour franchir des zones très escarpées, mais aussi suffisamment puissantes pour opposer à la puissance calorifique une puissance hydraulique. 

Je le distinguerais du feu de végétation, dont on va parler ce soir, qui ne touchent pas les étages arbustifs et dans la mesure où les moyens de lutte sont aussi adaptés : des moyens de franchissements moins importants, mais des enjeux économiques majeurs lorsqu’on parle notamment de feu de récolte. Par exemple, on estime sauver 2 500 euros lorsqu’on sauve un ha de blé. […]

Du Kosovo à l’Ukraine : la guerre devant la justice

Par Patrice de Charette – Magistrat – Membre associé du Comité Aunis-Saintonge
Détaché au Kosovo le 5 février 2000, coordinateur des programmes à l’Institut judiciaire, puis juge international.

Cicéron disait : « Quand les armes parlent, le droit se tait ». Ceci n’est plus vrai, la justice peut désormais intervenir sur les crimes commis pendant les conflits armés :

  • Crimes de guerre : exactions commises contre les civils, pendant les conflits armés,
  • Crimes contre l’humanité : exactions commises de façon systématique et généralisée, dans le cadre d’un plan,
  • Génocide : destruction intentionnelle de tout ou partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux,

Qui peut juger ces crimes ?

  • Les tribunaux nationaux pour les crimes commis sur leur territoire
  • Les tribunaux étrangers dans le cadre de la compétence universelle 
  • Les cours mixtes, tribunaux nationaux dans lequel siègent des juges étrangers. Ces cours ont été créées au Kosovo en 2000 pour juger les Serbes accusés de crimes de guerre. Le modèle a été reproduit ensuite : chambres extraordinaires du Cambodge, pour juger les Khmers rouges, chambre spéciale du Sénégal pour juger le dictateur tchadien Hissene Habré, chambre spéciale de Centrafrique, en activité actuellement
  • Les tribunaux spéciaux, généralement créés par l’ONU : Nuremberg, tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie, tribunal pénal international pour le Rwanda, tribunal spécial pour le Liban
  • La cour pénale internationale, juridiction permanente, créée par le statut de Rome, traité international conclu en 1998. Elle n’est pas normalement compétente pour intervenir en Ukraine, puisque la Russie n’a pas signé le statut de Rome, mais une exception à celui-ci rend possible son intervention si l’Ukraine le demande, ce qui a été fait, et si des Etats signataires du statut de Rome le demandent également, ce qui a été le cas, puisque 41 États ont demandé l’intervention de la Cour.

La remontée de la chaîne de commandement pour les crimes de guerre commis en Ukraine sera compliquée. La Cour a choisi une autre voie en mettant Poutine en accusation pour déplacement forcé d’enfants, crime de guerre, avec mandat d’arrêt.

Sauf arrestation improbable de Poutine, celui-ci ne pourra pas cependant être jugé pour ce crime, car la procédure anglo-saxonne, en vigueur devant la CPI, ne permet pas le jugement par contumace 

Une seule solution pour juger directement Poutine : utiliser le crime d’agression (agression d’un État par un autre) en créant un tribunal spécial.
La création de ce tribunal est réclamée par de nombreuses autorités, notamment la Commission européenne. Le crime étant d’ores et déjà établi, le jugement serait facile et possible notamment par contumace, si le traité international qui crée ce tribunal le décide.
Le chemin sera long pour créer ce tribunal spécial. Il permettrait de consacrer judiciairement la responsabilité du chef d’État russe.

Beaucoup d’échanges après cette conférence :

  • Exécution des décisions ; crime de guerre définition de guerre ; crime d’agression 
  • De nombreuses questions sur le conflit Russo/Ukrainien

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Fonds documentaire.

Définitions [Nations Unies]

Génocide

Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Article II – Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un 8quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

  • Meurtre de membres du groupe;
  • Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
  • Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
  • Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
  • Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

Crimes contre l’humanité

Statut de Rome de la Cour pénale internationale

Article 7 – Crimes contre l’humanité

1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :

  • Meurtre ;
  • Extermination ;
  • Réduction en esclavage ;
  • Déportation ou transfert forcé de population ;
  • Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;
  • Torture ;
  • Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;
  • Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ;
  • Disparitions forcées de personnes ;
  • Crime d’apartheid ;
  • Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.

Crimes de guerre

Statut de Rome de la Cour pénale internationale

Article 8 – Crimes de guerre

2. Aux fins du Statut, on entend par « crimes de guerre » :

  • Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :
  • L’homicide intentionnel ;
  • La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques ;
  • Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé ;
  • La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;
  • Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les forces d’une puissance ennemie ;
  • Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée de son droit d’être jugé régulièrement et impartialement ;
  • La déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale ;
  • La prise d’otages ; […]

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Portrait – Un juge acerbe

Patrice de Charette, 52 ans, magistrat. Chargé par l’ONU, sans moyens, de mettre sur pied une vraie justice au Kosovo.
par Marc Semo. Publié le 15 janvier 2003. Extrait :

[Patrice de Charette] fut pendant deux ans magistrat international au Kosovo. Il siégea même à la Cour suprême de cette province du sud de la Serbie, placée depuis juin 1999 sous protectorat de l’ONU.

Patrice de Charette arrive à Pristina en février 2000.
Avec ses lugubres immeubles socialistes bordant des avenues noyées, selon la saison, par la boue ou la poussière, la ville n’a rien d’un lieu de villégiature. « Des milliers de corneilles nichées dans les arbres et les décombres s’envolent tous les soirs au crépuscule avec un bruit d’enfer », écrit-il dans l’un de ses premiers e-mails.
Il fait froid et l’électricité est souvent coupée. « Elle fonctionnait par roulement, en tranche de quatre heures », raconte le magistrat, qui témoigne de son expérience, dans un livre drôle et quelque peu amer (1).
C’est un juge qui aime et sait écrire. Il a toujours été l’une des meilleures plumes du Syndicat de la magistrature. Il narre les interminables soirées à la lueur des bougies. Impossible de lire les bouquins ­beaucoup de polars et un peu de SF emportés depuis Paris.
Difficile de sortir aussi, car il répugne à déranger à nouveau les hommes d’escorte qui toute la journée ont travaillé à ses côtés.
C’est une vie plutôt solitaire dans une espèce de bulle blindée.

Défini pourtant comme prioritaire, le chantier de la justice au Kosovo est pour le moins laborieux.
Surtout au début. Quel code pénal appliquer ? Il a fallu près d’un an à l’ONU pour en décider.
Les procès s’enlisent. Les prisons sont des passoires. Réaliser une autopsie représente une gageure si le meurtre n’a pas eu lieu dans la capitale. « Les policiers internationaux ne voulaient pas salir les sièges de leur belle voiture avec le cadavre mais aucun budget n’était prévu pour payer les entreprises locales de pompes funèbres », raconte Patrice de Charette.
Les choses se sont depuis un peu améliorées mais le fonctionnement de la justice représente le principal fiasco de l’action de la communauté internationale dans cette ex-région autonome de l’ex-Yougoslavie. « En tant que juge on voit les choses au jour le jour dans toute leur crudité. Beaucoup d’énergie a été gaspillée pour des résultats en partie décevants », reconnaît le magistrat qui admet désormais ne plus avoir trop d’illusions sur la grosse machine de l’administration onusienne du Kosovo, la Minuk.
« C’est une leçon d’humilité pour la communauté internationale. Elle a privilégié le court terme alors que la justice représente la condition même d’une réconciliation durable entre les communautés », raconte le magistrat qui n’eut pas toujours des rapports faciles avec l’administrateur de l’ONU, Bernard Kouchner.

Sa tâche au début est de mettre sur pied la future école de la magistrature. En fait, il s’agit surtout de faire de la formation.
Dès l’instauration du protectorat de l’ONU, des centaines de nouveaux juges kosovars sont nommés.
Les Albanais sont pour la plupart d’anciens magistrats chassés en 1989, au moment de la reprise en main par Belgrade.
Pour les Serbes, il a fallu trouver des juristes pas trop compromis, mais presque tous boycottent les nouvelles institutions.
Le système patine. A peine protégés, les juges locaux gardent un profil très bas dans les affaires de crimes de guerre ou de mafia. En outre, ils sont mal payés. « Moins qu’une femme de ménage travaillant pour la Minuk », ironise Charette.
L’ONU décide finalement de les épauler sur les dossiers sensibles par des juges internationaux. Il se porte volontaire.
On l’envoie à Gjilan, grosse ville du sud-est, en secteur américain.

Son premier gros dossier est celui de deux frères serbes accusés d’avoir tué un ex-guérillero albanais qui, à la tête d’une petite foule, attaquait leur maison.
Croupissant en préventive depuis plusieurs mois, ils clament avoir agi en légitime défense.
Aucune autopsie n’a été effectuée sur la victime.
Une cassette vidéo de l’incident n’a même pas été visionnée. Finalement, il s’avère que les balles meurtrières ont été tirées par les soldats américains en dispersant la foule.
Il n’est pas évident non plus pour un juge de travailler sans cesse avec un traducteur. « On arrive quand même à sentir si sa déposition sonne juste », raconte Patrice de Charette, qui fut ensuite nommé à Pristina à la Cour suprême. […]

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Les Oiseaux noirs du Kosovo.
Un juge à Pristina

Patrice de Charente, nommé par l’ONU comme juge international au Kosovo, raconte l’extraordinaire expérience qu’il a vécue pendant deux ans dans ce territoire dévasté, en proie à des tensions ethniques meurtrières. Il décrit sans complaisance les errements de l’ONU et dit le combat quotidien pour la construction d’une justice démocratique.
© https://www.decitre.fr/livres/les-oiseaux-noirs-du-kosovo-9782841861798.html

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Kosovo : une expérience
de justice transitionnelle

Par  Anna Adamska-Gallant
– Dans Délibérée 2017/2 (N° 2), pages 70 à 76
– Éditions La Découverte

Russie et Ukraine

Par Bernard PENISSSON – titulaire d’un doctorat en histoire ( Paris I – Panthéon Sorbonne), agrégé de l’Université, auditeur IHEDN (SR 143), membre du comité 86

Russie et Ukraine – Des origines à 2022

Introduction 

            Dans une mise en scène savamment orchestrée, en 2006, à un enfant qui lui demandait : « Quelles sont les frontières de la Russie ? » le président Vladimir Poutine répondait : « La Russie n’a pas de frontières. » Franche, nostalgique ou cynique déclaration qui ne rassurait pas les voisins occidentaux de la Fédération de Russie : Finlande, Pays Baltes, Pologne, Biélorussie et Ukraine, tous pays qui ont appartenu dans le passé à l’empire des tsars. Était-ce une allusion au désir d’empire universel taraudant un pays qui se prétend l’héritier de l’Empire romain ? Le conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine a en effet des racines profondes qui remontent à la chute de l’empire byzantin. L’indépendance de l’Ukraine a souvent été balayée par de puissants voisins au cours de l’histoire. Une des explications de ce phénomène récurrent est-elle à saisir dans le rôle de pivot géopolitique de ce pays, zone de marche entre empires rivaux ? Dans quelle mesure l’histoire religieuse de l’Ukraine et de la Russie vient-elle interférer avec les rivalités géopolitiques qui les opposent ?

            Mais une question préalable se pose : qu’est-ce qu’un empire ? C’est un ensemble politique, militaire, économique, culturel et/ou religieux, continental et/ou maritime, formé de plusieurs nations dirigées par l’une d’entre elles, à son profit ; cette nation impériale se considère comme supérieure aux autres nations dominées, parce qu’elle les a conquises au nom de la diffusion de la ‟ civilisation ˮ, de la mise en valeur de ressources naturelles inexploitées, ou encore de la mise en place d’un glacis de sécurité sur l’étranger proche. L’empire peut être formel, lorsqu’il est gouverné directement par la nation conquérante (au moyen de fonctionnaires nommés par la métropole) ou indirectement, toujours par la nation dominante, mais au moyen d’autorités autochtones recevant leurs pouvoirs de la puissance impériale. L’empire peut aussi être informel lorsque, gardant l’apparence de la souveraineté, les nations soumises sont dominées par la puissance économique et financière, par une alliance militaire asymétrique, ainsi que par l’influence culturelle, voire linguistique (langue russe/langue ukrainienne), qualifiée de ‟ puissance douce ou soft power ˮ, d’une nation hégémonique. 

            L’impérialisme est la tendance à constituer un empire, formel ou informel. Ce mouvement a été étudié et dénoncé par de nombreux auteurs, dont l’un des plus célèbres est le britannique John A. Hobson (1858-1940), avec le livre Imperialism. A Study, publié  1902. Lénine s’en est inspiré pour rédiger sa brochure L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, imprimée à Pétrograd en 1917. Enfin Hannah Arendt a rédigé en 1951 L’Impérialisme, deuxième partie de son grand œuvre Les Origines du totalitarisme. Des invasions extérieures, des impérialismes rivaux et/ou le réveil des nations temporairement soumises, entraînent la dislocation de l’empire, soit par le conflit ouvert, soit par la négociation, soit par l’effondrement interne de la puissance impériale. « Tout empire périra » a écrit l’historien Jean-Baptiste Duroselle L’empire russe s’est effondré en 1917, l’empire soviétique en 1991. Jusques à quand ? 

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Conclusion

            La politique extérieure de Vladimir Poutine évoque par certains aspects la doctrine Brejnev sur la souveraineté limitée. Après avoir « normalisé » la Tchécoslovaquie du « Printemps de Prague » en août 1968, et imposé « un traité sur le stationnement temporaire des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie », Brejnev déclara dans La Pravda du 26 décembre 1968 : « La souveraineté de chaque pays socialiste ne peut s’opposer aux intérêts du socialisme ou du mouvement révolutionnaire mondial. » Ce qui signifie qu’aucun pays du bloc socialiste ne peut se retirer du Pacte de Varsovie. Ainsi, l’empire soviétique n’offrait pas de porte de sortie jusqu’à sa désintégration en 1991, tout comme l’empire russe était « la prison des peuples », selon Lénine. 

            Peut-on attribuer au président Vladimir Poutine cette profondeur de la réflexion historique dont parlait le philosophe Henri Bergson en 1911 ? Ou est-ce lui faire trop d’honneur ? « À quel signe reconnaissons-nous d’ordinaire l’homme d’action, celui qui laisse sa marque sur les événements auxquels la fortune le mêle ? N’est-ce pas à ce qu’il embrasse une succession plus ou moins longue dans une vision instantanée ? Plus grande est la portion du passé qui tient dans son présent, plus lourde est la masse qu’il pousse dans l’avenir pour presser contre les éventualités qui se préparent : son action, semblable à une flèche, se décoche avec d’autant plus de force en avant que sa représentation était plus tendue vers l’arrière. »[1] 
En tout cas, Vladimir Poutine est habité jusqu’à l’obsession et jusqu’à la guerre par une vision impériale de la Russie.

            Pourquoi chercher à faire revivre par les armes un empire mort ? Pourquoi vouloir enfermer de nouveau les peuples dans une prison ? Pourquoi entreprendre un guerre de conquête et d’agression, la guerre injuste par excellence ? Á ces questions, des historiens, des philosophes et des géopoliticiens ont répondu de façon concordante à travers les siècles. Pour Thucydide, les États agissent principalement par crainte, par honneur et par intérêt. Quand un État craint pour sa sécurité, parce qu’il se croit menacé par la haine de ses voisins, il décide d’entrer en guerre pour ne pas laisser les risques et les menaces croître davantage. Tout État doit ménager ses intérêts « quand il s’agit des plus grands risques ». Et quand un État est à la tête d’un empire, il doit le défendre pour sauvegarder son prestige et son honneur. Et Thucydide fait dire aux Athéniens devant les Lacédémoniens et leurs alliés : « C’est ainsi que nous non plus, nous n’avons rien fait d’extraordinaire, ni qui s’écarte des façons d’agir humaines, soit en acceptant un empire quand on nous l’offrait, soit en ne le laissant pas aller quand les plus fortes raisons commandaient : honneur, crainte et intérêt ; avec cela, ce rôle, nous n’étions pas les premiers à le tenir, et il a été toujours chose établie que le plus faible soit tenu en respect par le plus puissant ; en même temps, nous pensons que nous le méritons. »[2]

            Dans Léviathan, publié en 1651, Thomas Hobbes reprend l’analyse de Thucydide en écrivant, au chapitre XIII : « de la sorte, nous pouvons trouver dans la nature humaine trois causes principales de querelle : premièrement, la rivalité [intérêt] ; deuxièmement, la méfiance [crainte] ; troisièmement, la fierté [honneur, Glory]. La première de ces choses fait prendre l’offensive aux hommes en vue de leur profit. La seconde, en vue de leur sécurité. La troisième, en vue de leur réputation. »[3]

            Quant à Raymond Aron, dans son livre Paix et guerre entre les nations (1962), il définit lui aussi les objectifs éternels des États. Il en retient trois : le désir de sécurité, la recherche de la puissance, et la passion de la gloire. Cette trilogie s’inscrit dans la lignée de Thucydide et de Hobbes, auteurs auxquels Aron se réfère explicitement. Le premier objectif de l’État est sa survie, car « dans l’état de nature, chacun, individu ou unité politique, a pour premier objet la sécurité. […] La sécurité, dans un monde d’unités politiques autonomes peut être fondée sur la faiblesse des rivaux (désarmement total ou partiel) ou sur la force propre. »[4] Cependant les États recherchent aussi la puissance, non seulement pour assurer leur sécurité, mais aussi pour être craints [Vladimir Poutine ne brandit-il pas régulièrement la menace nucléaire ?], respectés et admirés. Enfin, la passion de la gloire, cette soif de reconnaissance régionale ou mondiale [être l’un des trois Grands], constitue le troisième objectif de l’État. Á cette triade, Aron en ajoute une autre, celle de la conquête de l’espace, des hommes et des âmes, ce dernier objectif étant réservé aux prophètes armés qui veulent faire triompher leur foi en imposant par la force leurs croyances et coutumes religieuses. 

            « Tout empire périra », a écrit l’historien Jean-Baptiste Duroselle. Dans l’Évangile  selon saint Matthieu, Jésus n’a-t-il pas dit à Pierre : « Rengaine ton glaive, car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. »[5] Comme le chante Victor Hugo dans un célèbre poème, Hymne aux morts de juillet,  qui peut s’appliquer aux soldats ukrainiens de nos jours :

Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie.
Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau.
Toute gloire près d’eux passe et tombe éphémère
Et comme ferait une mère
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  • [1] H. Bergson, « La conscience et la vie », conférence faite à l’Université de Birmingham le 29 mai 1911, Œuvres, PUF, 1963, p. 826.
  • [2] Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, Livre I, 75, traduit par Jacqueline de Romilly, Les Belles Lettres, 1953, p. 50-51.
  • [3] T. Hobbes, Léviathan, Éditions Sirey, 1971, p. 123-124.
  • [4] R. Aron, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, 1962, réédition 2004, p. 82.
  • [5] Saint Matthieu, Évangile de Jésus-Christ, chapitre 26, verset 52, La Bible de Jérusalem, Les Éditions du Cerf, 1998, p. 1.725. 

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